L'avènement de Mourad Okbi a coïncidé avec le réveil tonitruant de la formation aghlabide qui vient d'aligner deux victoires en trois matches. Une performance en soi quand on réalise qu'au terme de la phase aller, la JSK totalise seulement quatre victoires et trois nuls avec un solde de quinze points. Il faut reconnaître que l'actuel entraîneur de la JSK est de cette race d'hommes dynamiques, dotés d'une mentalité de gagneur et qui ne répugnent jamais à rouler leur bosse un peu partout, à relever les défis les plus insensés, à retenter le coup quand ils ont la conviction que le challenge en vaut la peine. Ancien capitaine de l'équipe aghlabide durant la période 1985-93 et ancien international avec plus de soixante sélections, Okbi — dont on connaît le franc-parler et la qualité de communicateur — avait deux ambitions : jouer à l'étranger et devenir entraîneur. Deux expériences qui ont profondément marqué l'homme et l'ont aguerri, à telle enseigne qu'il avait pris l'habitude de prendre son bâton de pèlerin et d'évoluer sous d'autres cieux, soit en tant que joueur, soit en tant qu'entraîneur. Son aventure exaltante a débuté en 1993-94 à Ahly Jeddah, puis au club qatari Al Rayan avec lequel il a eu le privilège de remporter le titre de champion (1995-96) et d'être finaliste de la coupe. De retour en Tunisie, il a rejoué une saison avec la JSK avant de rallier l'ESS avec laquelle il a remporté la coupe d'Afrique des vainqueurs de coupe et la Supercoupe d'Afrique (1997-98). En 1999-2000, il a entamé, en tandem avec Fethi Ben Ghanem, l'expérience d'entraîneur-joueur à la JSK qui a terminé la saison à la quatrième place du championnat de la Nationale A. en 2001-2002, Okbi a assuré seul les fonctions d'entraîneur des deux clubs divisionnaires, l'ESHS et Jammel avant de regagner l'Arabie Saoudite dès 2003 où il allait veiller sur les destinées techniques de Nadi Najrane et contribuer à son accession en Division 2. Par la suite, il s'est occupé successivement de Nadi Chouala, Nadi El Watani, Nadi El Jabalien, Nadi El Abha, avant de rentrer au pays où il fera un bref passage (neuf matches en tout) à la JSK, en 2006-07, quand elle était en Ligue 2. En 2007-09, il a élu domicile à Nadi Hamada, puis a rallié Nadi Najrane, devenu entretemps pensionnaire de la Ligue 1. Club qu'il a quitté, depuis plus d'un mois, pour atterrir, pour la troisième fois, à la JSK où il a été appelé à relever Soufiène Hidoussi, dans la perspective de régénérer l'équipe aghlabide, de lui insuffler un sang neuf et de l'extirper du purgatoire. Contacté à l'issue de trois journées de compétition, disputées sous sa conduite, Mourad Okbi a accepté volontiers de nous parler à cœur ouvert et de nous faire part de ses impressions et de ses appréciations, mais aussi de ses attentes et de ses aspirations. Ecoutons-le. Vous revoilà donc, de nouveau à la tête de l'équipe fanion de la JSK. Quels sentiments ces retrouvailles font-ils naître en vous? De l'honneur et du plaisir à servir mon club de toujours et à contribuer, un tant soit peu, à sa résurrection et à son renouveau. Chaque fois que mes services sont sollicités, je ne peux que répondre présent à l'appel du devoir et témoigner ma gratitude au club qui m'a tout donné. En quoi cette expérience vous semble-t-elle, différente des précédentes? La première fois, j'ai évolué en tant qu'entraîneur-joueur aux côtés de joueurs de talent, comme Khouaja, Ben Romdhane, Sellami, Derbal, Ouertani entre autres et nous nous sommes classés quatrième, alors que lors de la seconde expérience (2006-07), les conditions de travail et d'entraînement étaient lamentables: ambiance malsaine, moyens financiers dérisoires et recrutements quasi-inexistants. Cette fois-ci, tout s'annonce sous de meilleurs auspices, aussi bien sur le plan de la gestion du club que sur celui de ses ressources humaines et financières. En clair, qu'y a-t-il de changé, d'après vos premières impressions? Quand j'ai été contacté par M.Elyès Ben Hassine nouveau président de section, j'ai suivi le match EST-JSK à la télé, alors que j'étais encore en Arabie Saoudite, je n'ai pas hésité un moment et je me suis dit que le coup était jouable. L'équipe renferme de bonnes individualités et dispose de quelques éléments qui ont beaucoup de ressources et de qualités. Une impression confirmée lors de ma prise de contact et à l'occasion du match amical disputé face à l'Ouzbékistan. Dans quelles conditions avez-vous pris en main l'équipe fanion et comment avez-vous été accueilli? J'ai officiellement pris mes nouvelles fonctions, deux jours après ce match amical avec pour premier objectif de préparer l'équipe face au CSS. Ce n'était pas une mission de tout repos après les deux revers essuyés face à l'EST en Coupe et en championnat, et le départ de mon prédécesseur Soufiène Hidoussi. Dans des moments pareils, tout pouvait basculer d'un côté comme de l'autre. Mais, Dieu merci, j'ai pu bénéficier de conditions favorables : un groupe solidaire et compétitif, une bonne ambiance dans l'équipe, un accueil chaleureux et bienveillant du public, pour réussir ma première épreuve de la saison. Justement, quelle est votre part dans la réussite de ce premier test concluant et salutaire? Le fait de se retrouver à l'aise et d'entrée de jeu dans le bain de la compétition peut être source d'inspiration et de décollage. Il n'y avait pas, avant mon arrivée, de crise proprement dite, mais tout simplement un déficit à combler, un manque à gagner dû à la crise de résultats qui n'ont pas suivi l'effort déployé par le staff technique d'alors et par les joueurs eux-mêmes. Pour y remédier d'urgence, j'ai axé mon premier travail sur la préparation mentale approfondie, en vue de redonner confiance au groupe et de lui procurer la joie de jouer. Cet apport n'a pas été déterminant, tout de même, lors du match d'après, face à l'ESZ. Qu'en dites-vous? C'était, pour nous, un match-piège qui demandait beaucoup de force de caractère, de personnalité et de discipline tactique. Négocier un match, en déplacement, face à une équipe surmotivée et aguerrie n'est jamais une partie de plaisir. Inconsciemment, les joueurs ont flanché devant la furia de l'équipe adverse ont perdu leur application tactique et leur rigidité défensive. Déséquilibrée de la sorte et en retard d'un but, notre équipe n'a pas pu — faute de ressources mentales — remonter ce but et revenir dans le match. Encore une leçon à retenir, semble-t-il, avant le match décisif, face au CAB. N'est-ce pas? Absolument. Nous étions, de nouveau, à la case départ et il fallait, à tout prix, renouer avec le succès pour dissiper définitivement le doute et se mettre à l'abri des mauvaises surprises. Notre belle réaction, face au CAB, a été rendue possible grâce à la leçon retenue, face à l'ESZ, aux équilibres de nos compartiments de jeu et à notre cran à toute épreuve. L'échec assumé, face à l'ESZ, nous a donné une forte assise pour aller de l'avant. En dépit des deux victoires obtenues, en ce court laps de temps, beaucoup reste à faire pour pouvoir viser plus loin et plus haut. Qu'en dites-vous? Evidemment. Les choses sérieuses commencent à peine, mais il faut savoir tirer le meilleur profit de nos échecs et de nos difficultés pour reconstruire l'équipe et lui donner un cachet propre. Notre priorité demeure une bonne tenue défensive, garante d'un meilleur équilibre, mais cela ne nous empêche pas de soigner l'animation offensive pour éradiquer les déchets techniques et la débauche d'énergie et trouver des solutions pratiques à l'indigence offensive. Pouvons-nous dire, dès à présent, que votre onze type est déjà constitué? L'ossature est bien là, en attendant deux renforts de l'étranger : un joueur axial et un joueur de pointe. Je dispose aussi de quelques doublures valables et de quelques jeunes du cru, capables avec le temps, de décrocher une place de titulaire et prendre la relève. Avec davantage d'agressivité, de détermination, d'audace et de force de caractère, les joueurs pourront retrouver leur rythme de croisière et la plénitude de leurs moyens. J'ose espérer qu'avec un effectif plus régulier et plus stable, d'ici la saison prochaine, nous serons en mesure de jouer les premiers rôles et d'aspirer à des lendemains meilleurs. Le mot de la fin? J'appelle notre public à nous soutenir, sans relâche, surtout dans les moments pénibles, pour que nos puissions progresser dans le calme et la sérénité et réaliser nos objectifs, conformément aux ambitions et à la politique du club. Ce n'est pas trop demander à un public voué — corps et âme — à son club et qui a toujours porté son équipe à bout de bras, dans les rudes moments.