La coalition tripartite (Ennahdha, Ettakatol et le CPR) qui donnait, il y a une semaine, les signes d'avoir tout réglé dans un consensus qui a irrité beaucoup d'observateurs est-elle en train de vivre aujourd'hui ses premières fissures ou pour ainsi dire certains désaccords qui pourraient annoncer sa fin ? La question est d'autant plus légitime que certains parmi les membres de cette coalition avancent en rangs dispersés et n'obéissent plus aux directives, préférant agir comme bon leur semble ou à la base de ce qu'ils conçoivent eux-mêmes comme étant la voie à suivre. En témoignent les divergences et les désaccords qui marquent les travaux des deux commissions issues de l'Assemblée nationale constituante, la commission chargée de l'élaboration du règlement intérieur et la commission chargée de proposer le projet du décret portant organisation provisoire des pouvoirs publics. Qu'il s'agisse des relations entre les trois présidences, des prérogatives de chacune d'elles, des mécanismes selon lesquels le prochain gouvernement obtiendra la confiance du gouvernement ou fera l'objet d'une motion de censure, de l'adoption de la prochaine Constitution, de la possibilité de recourir à un référendum par lequel le peuple se prononcera sur l'adoption ou le rejet de la Constitution, etc., les avis et les propositions des membres de la coalition (pourtant consignés dans un projet bien ficelé et soumis à la discussion dès la première réunion de la commission du règlement intérieur) n'évoluent plus sur la même onde. Une source bien informée au sein de ladite commission révèle que les discussions sur certains points ont été chaudes et ont laissé apparaître certaines divergences, y compris au sein des membres de la troïka et les votes auxquels il a été fait recours pour départager les tensions montrent que c'est déjà «la dissension au sein de la coalition». Ainsi, pour le retrait de la confiance accordée au gouvernement (la motion de censure), le vote a révélé une égalité parfaite, soit 11 pour la majorité absolue et 11 pour la majorité des deux tiers. «Ce vote préfigure des désaccords qui commencent à déchirer la coalition quand on sait que sur les 22 membres de la commission, près de 15 proviennent des trois partis coalisés (dont 9 d'Ennahdha, 3 du CPR et trois d'Ettakatol)». Notre source va encore plus loin en laissant entendre qu'il «y aura de grosses surprises quant à la recomposition probable des forces politiques formant la coalition actuelle. Ennahdha a commencé, paraît-il, à chasser du côté du Parti démocratique progressiste (PDP), lequel parti a remporté, il ne faut jamais l'oublier, 16 sièges et qui pourrait supplanter aisément l'un des deux autres partis coalisés à Ennahdha dont certains responsables commencent à critiquer ouvertement l'accord ‘‘d'entente'' conclu le 21 novembre, à la veille de la séance inaugurale de la Constituante». Un autre signal de la chute de l'entente et de la cohésion mises en exergue largement au sein de la coalition : «Seuls les neuf membres d'Ennahdha ont voté pour les propositions que contenait le document d'Ennahdha à propos des prérogatives et du président de la République et du président du Conseil des ministres, alors que les 13 autres membres, y compris ceux représentant Ettakatol et le CPR, ont choisi de cautionner d'autres propositions avancées par les membres de la commission». Les points de discorde Il demeure qu'au sein de la commission du règlement intérieur qui a clôturé ses travaux, hier, et soumettra dans les jours à venir son projet à la prochaine assemblée plénière de la Constituante (elle se tiendra une fois que les deux commissions auront achevé leurs travaux), quelques points de discorde persistent «et nous avons décidé qu'ils soient discutés par l'ensemble des membres de la Constituante qui auront à assumer la responsabilité historique d'y trancher». Les désaccords concernent, souligne toujours notre source, «le vote de la Constitution à la base de la majorité des deux tiers en deux lectures et le recours au référendum en cas de désaccord à la suite de ces deux lectures». Le deuxième point de désaccord a trait au retrait par la Constituante de sa confiance aux trois présidents sur la base de la majorité absolue (Ennahdha campant toujours sur son choix relatif à la majorité des deux tiers). Quant au troisième chapitre, il concerne le vote de la motion de censure contre le gouvernement, Ennahdha demandant également le vote des deux tiers des membres de la Constituante. Les membres de la Constituante peuvent-ils occuper en même temps des fonctions gouvernementales ? Les membres de la Commission du règlement intérieur n'ont pas tranché et ont décidé de soumettre cette question à la prochaine séance plénière de l'Assemblée constituante. La date de cette séance n'a pas été encore fixée dans la mesure où la commission planchant sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics a besoin encore de deux jours (selon les déclarations de l'un de ses membres, le doyen Fadhel Moussa) pour terminer le travail. Et comme l'usage veut que les membres de la Constituante soient convoqués, quarante-huit heures au moins, à l'avance, la séance plénière attendue ne se tiendra pas avant samedi prochain.