Par Moncef GUEN Depuis que l'Assemblée constituante est en session, les tensions sociales et politiques ne cessent de s'aggraver. Malheureux recrutement par la Compagnie de Gafsa qui tourne aux échauffourées dans tout le gouvernorat, incidents violents dans les universités de Sousse et de La Manouba, grèves des enseignants du supérieur, manifestations au Bardo devant le siège de l'Assemblée et la liste continue. Ce que je trouve curieux, c'est qu'on veut mettre la charrue avant les bœufs, en voulant décider dès les premiers travaux de l'Assemblée, des questions que la prochaine Constitution est appelée à régler. En constituant deux commissions sur le règlement intérieur et sur la répartition des fonctions entre les trois présidences, de l'Assemblée, de la République et du Conseil des ministres, on a créé, des complications inutiles. Si un comité d'experts en matière constitutionnelle et juridique avait pu travailler sur un projet de règlement intérieur, à soumettre aux membres de la Constituante pour un vote en plénière, on aurait évité cette perte de temps et ces tensions internes à l'Assemblée qui trouvent, bien sûr, leurs répercussions dans l'opinion publique, maintenant désorientée. Quant à la commission sur la répartition des fonctions et des responsabilités entre les trois présidences, elle est créée pour encore compliquer les choses alors que l'Assemblée devrait passer une année, sinon quelques mois, pour en discuter et arriver à la codifier dans la future Constitution. Pourquoi anticiper sur le règlement de questions majeures que l'Assemblée elle-même devrait avoir le temps nécessaire et la maturité, étayée par des études et des expertises, pour l'adopter après mûre réflexion ? N'est-ce pas là mettre la charrue avant les bœufs ? Il aurait été plus logique et réaliste, dans cette phase d'élaboration de la Constitution, de faire comme ont fait Foued Mebazzaâ et Béji Caïd Essebsi. Le Président provisoire Foued Mebazzaâ a eu, théoriquement, depuis janvier dernier, des pouvoirs très importants, puisqu'il a disposé des pouvoirs exécutif et législatif. Mais il a été discret et flexible dans l'accomplissement de sa mission, en laissant au premier ministre des prérogatives étendues. Le futur Président devrait montrer une telle stature d'homme d'Etat et se comporter, en théorie et en pratique, comme un facilitateur des actions du futur gouvernement qui devrait avoir au moins les mêmes prérogatives que celles de son prédécesseur, en attendant que la future Constitution fixe les prérogatives définitives des uns et des autres. Soyons pragmatiques et non dogmatiques et sortons le pays de l'engrenage de la récession économique et du chômage ! Ces tensions et ces querelles inutiles se produisent au moment où le peuple voit ses conditions de vie de tous les jours se détériorer, l'inflation ronger son pouvoir d'achat, ses réserves de change se réduire, ses hôtels se vider, les horizons autour de lui s'assombrir avec ce qui se passe en Europe, les complots ourdis contre la Révolution se multiplier. A-t-on fait la Révolution pour aboutir à ce spectacle désolant d'une course vers les fauteuils et l'accaparement du pouvoir? Les électeurs ont élu cette Assemblée, en masse, pour sortir le pays de l'ornière et non pour l'enfoncer encore davantage dans l'ornière. Soyons à la hauteur des défis majeurs auxquels notre pays doit faire face. L'histoire nous regarde.