Par Soufiane Ben Farhat Maintenant, tout le monde en convient. L'élection de la nouvelle Assemblée constituante aura lieu le 23 octobre. Tous s'activent à préparer les troupes et passer en revue le ban et l'arrière-ban. Soit. C'est de bonne guerre serait-on tenté de se dire. Seulement, après l'âpre bataille sur l'échéance, on est en droit d'exiger de passer à l'essentiel. Et l'essentiel a trait précisément à l'Assemblée constituante proprement dite. Ces deux jours, les questions sont de plus en plus manifestes à ce propos. Notre collègue Brahim Oueslati en a rendu compte dans un article publié, il y a quatre jours, sur ces mêmes colonnes : "Parmi les questions soulevées, celle de la durée et les prérogatives de la prochaine Constituante. Le président de l'Instance a précisé que le décret portant convocation des électeurs en a limité la durée à une année avec comme mission d'élaborer une Constitution pour le pays. Toutefois, une fois élue, la Constituante sera souveraine et pourrait dans ce cas outrepasser les dispositions du décret pour accaparer les pleins pouvoirs... D'où la crainte exprimée par certains de voir les élus user de leur légitimité pour allonger la durée de vie de la prochaine Constituante et préparer une Constitution qui pourrait ne pas refléter l'esprit de la révolution et ses objectifs". (Voir La Presse du 8 juin, Le consensus pour sortir de l'ornière). En somme, deux questions fondamentales doivent être clarifiées. En premier lieu, la problématique de la compétence liée de l'Assemblée constituante. Il faut savoir que le rôle de la Constituante se résume essentiellement dans l'élaboration d'une nouvelle Constitution. C'est générique, essentiel, fondamental. Certes, ayant les pleins pouvoirs, elle sera le maître à bord. Mais elle n'a pas le droit par exemple de priver le pays d'une Constitution. D'ailleurs, le décret du 24 mai 2011 portant convocation des électeurs pourrait prêter à confusion. Il ne précise point que la Constituante est appelée à élaborer une Constitution pour la République tunisienne. Il parle seulement de l'élaboration d'une Constitution pour le pays. Or, le pays est une chose et la République en est une autre. Bref, on gagnerait à ce que l'Assemblée constituante ait une compétence liée. La première Constituante (1956-1959) devait élaborer une Constitution pour une monarchie constitutionnelle. Elle a enfanté la République, en 1957. C'est positif, historiquement parlant. Le peuple tunisien est franchement républicain et a particulièrement à cœur les valeurs de la République. Mais, aujourd'hui, il est nécessaire d'assigner l'Assemblée constituante à une espèce de domaine assigné en termes de compétences. Il faudrait qu'elle soit solennellement et légalement chargée d'élaborer une Constitution pour la République tunisienne. Le Saint Coran instruit bien que le rappel est bénéfique aux croyants (dhakkir fa inna edhikra tanfaou' al mou'minine). En second lieu, il faudrait faire en sorte que la Constituante ne s'autoproclame point dans le statut du provisoire qui dure. Elle aura les pleins pouvoirs, certes, mais guère celui de s'éterniser indéfiniment. Certes, le décret susmentionné limite à une année la mission d'élaboration d'une nouvelle Constitution. Mais, là aussi, le rappel est de mise. Et puis rien n'empêche que quelque parti ou coalition de partis majoritaires ne s'avise de demeurer au pouvoir sur la longue durée moyennant quelques prétextes législatifs. Résumons : la nouvelle Assemblée constituante devra être calibrée tant dans ses prérogatives que dans sa durée. L'esprit de la Révolution tunisienne l'exige. Et pour garantir un droit ou une obligation, rien ne vaut un texte de loi clair, net et précis. Les armées battues sont bien instruites dit-on. Le peuple tunisien a subi les affres de systèmes politiques faussés, manipulés à souhait, truqués à la base. En lieu et place des règles du jeu démocratiques, nous avions le plus souvent des dés pipés. La Révolution a réhabilité la République et les valeurs de la République. Il faudrait que les instruments et réceptacles de la Révolution traduisent cela. Sans faille, ni silence, ni compromission, fut-elle spéculative ou potentielle.