Comme dans un rêve prémonitoire, Tahar Bekri annonçait ce qui allait se passer en Tunisie avec un poème dédié à Yunus Emre, qui a vécu au XIIIe siècle. Il a été le véritable fondateur de la littérature populaire d'Anatolie. Il s'est imposé grâce à une langue dépouillée et bouleversante qu'il utilisait pour exprimer sa révolte contre le système politique de son époque et contre l'arbitraire des grands. Ce poème intitulé «En souvenir de Yunus Emre», publié dans le numéro d'octobre 2011 dans la revue de poésie contemporaine Point barre, dans un pays qui n'a jamais été en mal de revues littéraires depuis 1814, avec une préface du poète Daniel Picouly subtilement intitulée «Court toujours», a été distingué pour son audace et sa clairvoyance à prévoir d'avance les événements qui devaient se produire en Tunisie et, partant, dans le monde arabe avec l'avènement de ce qui allait devenir le printemps arabe. Cet honneur qui flatte notre ego a fini par rejaillir sur l'ensemble des poètes magrébins dont, pour une fois, où ils étaient exclus. Poète de grande rénommée, Tahar Bekri, maître conférencier à l'Université Paris X, est l'auteur d'une œuvre saluée par la critique et qui été traduite dans plusieurs langues, dont le turc et le persan. «Aimer la pierre abandonné sur le chemin Depuis la nuit des temps Le coquelicot fragile Loin des bottes des conquérants Le bouleau qui attend le printemps Des ailes d'un cheval ailé aimant Pousseront à la montagne endormie Ou les cendres d'un volcan Et si le printemps est en retard Attends le bourgeon difficile La neige sera promue A la source où tu te désaltères». Point barre nous a surpris avec la publication de poèmes tout aussi savoureux et succulents que ceux de l'Iranien Reza Shirmarz, de la Canadienne Pamela Cooper, du Belge Arnaud Delporte, des Français Danièle Marche, Danien Gabriels, Muriel Carrupt et des Mauriciennes Quraishiyah Dubarry et Yusu Kadel. Floraison d'images et réserve d'éternité, y a-t-il donc lieu plus naturel, réceptacle plus approprié et terreau plus apte à accueillir un Tahar Bekri qui n'a jamais été aussi perspicace et clairvoyant que ces derniers temps.