On a beau nous dire encore que ce n'est pas le moment de parler de culture, que le cinéma n'est pas dans nos priorités, que la situation politique, économique et sociale du pays ne nous laisse aucune visibilité pour s'occuper de la culture de l'esprit… Est-il vrai qu'on peut se passer de culture, que le quotidien peut se limiter à se nourrir, à dormir et à travailler (au cas où il s'en trouve)? Est-il vrai que le cinéma, le théâtre et d'autres formes d'expression ne font pas partie des nécessités vitales de l'être humain, dont celle de disposer de salles de cinéma dans chaque ville, voire chaque village, sans que cela ne soit considéré comme un luxe dont on pourrait se passer? On a bien vécu sans, durant de longues années, diraient certains. Pour répondre à ces questionnements et à d'autres encore, l'Association tunisienne d'action pour le cinéma (Atac) organise une table ronde ce samedi 10 décembre à 15h00 à Dar Bach Hamba, autour du thème: «Les salles de cinéma en Tunisie : état des lieux et perspectives». A l'heure où, dans le monde, la diffusion du film et les salles de cinéma connaissent de nombreux et importants bouleversements et mutations (projections numériques, vidéo à la demande, disques Blu Ray, films en 3D...), en Tunisie, le secteur de la diffusion en général et des salles en particulier stagne dans une crise qui dure depuis des décades. Une crise qui est probablement la plus aiguë de tous les secteurs du cinéma: un parc de salles, un public et des sorties commerciales extrêmement ténus, des conditions de projection globalement mauvaises, une absence d'éditeurs vidéo, d'exportateurs et de concertation autour du piratage, etc. L'Atac organise donc une table ronde durant laquelle intervenants et public essaieront de dégager clairement les causes de cette désaffection tout en essayant de proposer des solutions pratiques pour un essor des salles de cinéma. Tout en sensibilisant aussi quant à leur importance vitale dans la construction d'un espace public sain et dans la dynamisation de l'économie globale du pays. Slah Dhaoui, ex-responsable à la Société anonyme tunisienne de production et d'expansion cinématographique (Satpec), présentera une communication autour des données et les chiffres des salles en Tunisie, des causes de désaffectation du public, du rôle de l'Etat dans la crise et dans le milieu de la distribution et de l'exploitation. Ikbel Zalila, critique et enseignant, traitera des questions relatives à l'essence même de la salle de cinéma, ses spécificités en tant que dispositif, la différence de la vision d'un film dans une salle et sur d'autres supports, comment la salle change le regard, comment les nouvelles technologies (numérique, 3D...) vont changer le cinéma et la salle de cinéma, etc. Sonia Chamkhi, cinéaste, essayiste et enseignante, parlera du rôle que jouent les films tunisiens dans la désaffection des salles. La précarité de la production, l'absence de genres et la vocation «auteuriste» seront également au centre de son intervention. Elle se posera également la question cruciale : les films tunisiens peuvent-ils jouer un rôle dans le retour du rayonnement des salles ? Habib Belhédi, distributeur et exploitant, parlera de l'art et essai, entre l'impératif culturel et les réalités du cinéma en Tunisie, de l'expérience de CineAfricArt, ainsi que de l'absence de législation et d'aides spécifiques, etc.