Laisse-moi rêver, mise en scène d'Intissar Issaoui d'après un texte signé Bassem Hamrouni, est une agréable surprise. Les spectateurs étaient nombreux à la première qui a eu lieu au Quatrième Art. Ils ont beaucoup ri de ce spectacle de pantomime et de grommelot géré avec tact et savoir-faire par un duo de comédiens époustouflants : Bassem Hamrouni et Fayçal Lahdhiri. Intissar Issaoui, dont c'est là la première création, a réussi son baptême théâtral en optant pour un genre exigeant beaucoup de maîtrise et de précision. Deux agents municipaux ramassent les ordures tard le soir dans les rues de Tunis dont les murs sont encore marqués des encadrés numérotés de la dernière campagne électorale de la Constituante. Muni d'une benne et de balais , nos deux agents rêvent d'un avenir meilleur. Ils se voient tantôt comédiens, tantôt musiciens. Ils imitent les cowboys, jouent du violon, qanoun et percussion en grommelant un refrain de Aziza Jalel et d'un air populaire tunisien. Puis, ils changent de registre en interprétant du rock, simulant une batterie et une guitare électrique, et passent après au jazz. Ils s'attaquent aussi au sport et font une partie de tennis puis de golf. Les animaux y passent : chien, chat, coq, poule, oiseau. Ils restituent les bruits de la rue le soir: les voitures et les motos. Décrit de la sorte, cela donne l'impression d'un happening, mais pas du tout. Il s'agit bien d'une pièce construite avec un début et une chute. L'un des agents tombe malade de tuberculose. Nous ne dévoilerons pas la fin de cette pièce signée par l'un des comédiens qui a réussi à mettre en relief la dialectique entre le réel et le rêve sans tomber dans le ridicule car l'exercice est assez difficile puisqu'il s'appuie uniquement sur l'expression corporelle. Conjugaison de talents Taillés sur mesure sur les comédiens, les personnages ne manquent pas d'humour et d'imagination malgré leur condition éprouvante. Ils se complètent bien dans cette succession de scènes ininterrompues portées par le talent des deux acteurs : Bassem Hamrouni et Fayçal Lahdhiri; Intissar Issaoui a tout mis en œuvre pour rehausser leur jeu. Ils s'en donnent à cœur joie, communiquant au public de la bonne humeur. Cinquante-cinq minutes de spectacle simple et amusant sans discours démagogique truffé de clins d'œil. La chute est désopilante. Lorsque l'un des personnages est emporté par la maladie, son collègue ne trouve pas mieux que de le balancer dans la benne comme n'importe quelle ordure. Il y a de l'humour et de la dérision de bout en bout de la pièce, qui loin d'être un chef-d'œuvre, reste un moment agréable, poétique et musical à regarder en famille.