— A la faveur de la révolution de la liberté et de la dignité, qui a réussi, début janvier 2011, à chasser l'une des dictatures les plus féroces dans le monde et à la lumière des élections du 23 octobre dernier qui ont consacré le triomphe du mouvement Ennahdha et de ses alliés, plusieurs voix tunisiennes et étrangères se sont élevées pour s'interroger si notre pays préservera sa vocation historique de terre de toutes les confessions où musulmans, juifs et chrétiens sont considérés comme citoyens bénéficiant des mêmes droits et assujettis aux mêmes devoirs. Des citoyens qui sont avant tout des Tunisiens nonobstant leurs confessions religieuses, leurs appartenances politiques ou leurs sensibilités intellectuelles. Et contrairement à certaines forces étrangères qui n'ont pas hésité à appeler à une solution urgente pour certains citoyens tunisiens appartenant à une confession déterminée, la Tunisie post-révolutionnaire semble déterminée, plus que jamais, à sauvegarder, voire à renforcer cette dimension qui l'a toujours distinguée et qui a fait d'elle, tout au long de son itinéraire trois fois millénaire, un espace de tolérance, de dialogue continu, de respect sacré du droit à la différence, d'acceptation de l'autre et de consécration des spécificités culturelles et civilisationnelles des uns et des autres. Hier, le Palais de Carthage a ouvert grandes ses portes pour accueillir le Mufti de la République, le Grand Rabbin et l'Archevêque de Tunisie venus penser avec le Dr Moncef Marzouki, nouveau président de la République, la meilleure stratégie à mettre en œuvre afin que perdurent la cohésion et la symbiose, qualités ayant, depuis la nuit des temps, caractérisé les rapports entre musulmans, juifs et chrétiens, «tous citoyens de plein droit» et acteurs agissants dans la dynamique de transition ayant pour objectif de faire migrer la Tunisie vers une société démocratique, pluraliste et ouverte sur le monde moderne. Qu'il s'agisse «de rétablir la véritable image de l'Islam, celle de la modération et du juste milieu», «de la satisfaction ressentie par les Juifs de se voir traités en citoyens de plein droit» et du sentiment des églises chrétiennes en Tunisie «de vivre en paix en jouissant de la confiance et de l'amabilité du peuple tunisien», le message à saisir est celui de l'attachement des Tunisiens à cette valeur cardinale de tolérance, de vivre-ensemble et de coexistence pacifique.