Quel est le département ministériel qui aura à présenter le 25 février 2012 le deuxième rapport sur la situation des droits de l'Homme en Tunisie qui sera discuté en mai prochain devant le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU ? Comment les associations spécialisées en matière de défense des droits de l'Homme peuvent-elles contribuer à la rédaction de ce rapport, sachant qu'elles ne peuvent plus élaborer leurs rapports puisque le délai qui leur est imparti pour le faire a déjà expiré puisqu'elles avaient jusqu'au 21 novembre 2012 pour adresser leurs propres rapports au Conseil de l'ONU ? Comment les associations peuvent-elles participer à l'élaboration du rapport national et quelles sont les procédures qu'elles doivent suivre afin d'établir des rapports parallèles qu'elles soumettent à la discussion générale du rapport national lors de l'examen périodique universel prévu pour mai prochain ? Ces problématiques ont meublé la journée d'étude organisée, hier, par le Centre Ifada pour les associations au profit de près d'une cinquantaine de représentants d'associations tunisiennes dans l'objectif de les édifier sur le mécanisme périodique adopté par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU lors de l'examen de la situation de ces droits dans un pays déterminé (une fois tous les quatre ans et demi) d'une part et sur le rôle que ces associations peuvent assumer dans l'élaboration du rapport national présenté par le gouvernement, de leurs propres rapports et du rapport présenté par les organismes onusiens spécialisés installés en Tunisie. Flou persistant D'abord et d'emblée, Mme Monia Ammar, coordinatrice générale des droits de l'Homme, par intérim, au ministère de la Justice, signale qu'elle ne sait pas encore si c'est le ministère de la Justice qui aura à préparer, comme auparavant, le rapport national ou bien le ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle qui s'en chargera. Le flou persiste encore bien que le délai d'envoi du rapport national, soit le 25 février 2012, approche à grands pas avant qu'il ne soit discuté en séance plénière, en mai prochain. Cependant, «l'on s'emploie au niveau de la coordination des droits de l'Homme au ministère de la Justice à préparer le rapport qui doit comprendre 20 pages tout au plus et à convier les associations à y apporter leur contribution». Et Mme Ammar de revenir à l'époque révolue pour faire remarquer que «les associations qui participaient à la rédaction du rapport étaient triées sur le volet et cautionnaient pleinement les choix du gouvernement. Aujourd'hui, nous sommes face à une véritable problématique : comment satisfaire les nombreuses nouvelle associations qui désirent toutes y participer?» Elle ajoute que la meilleure solution est de laisser le dernier mot à ces mêmes associations qui sont appelées à «se réunir, à se concerter et à choisir elles-mêmes la formule selon laquelle elles vont participer à l'élaboration du rapport national sur la situation des droits de l'Homme en Tunisie durant la période allant de 2008 à 2012». La coordinatrice générale des droits de l'Homme, par intérim, au ministère de la Justice a par la suite fait un exposé historique sur la création en 2006 du Conseil de l'ONU des droits de l'Homme, sur ses objectifs, ses mécanismes d'action et les conditions d'adhésion à ce conseil. Quel apport pour les associations en matière de préservation et de consécration des droits de l'Homme? Mme Ammar estime que «ces associations constituent l'instance de contrôle supervisant l'action du gouvernement en matière de respect des droits de l'Homme et qui attirent l'attention sur les dysfonctionnements et dénoncent les abus ou les atteintes à ces droits par les structures gouvernementales». Elle insiste, particulièrement, sur la diffusion de la culture des droits de l'Homme, conférant un rôle spécifique à l'institution judiciaire qui se doit, selon elle, de mettre à niveau ses magistrats appelés à suivre et à accompagner les évolutions et les innovations traversant le paysage juridique mondial, à un rythme de plus en plus soutenu. Elle révèle, en revenant au premier rapport présenté en 2008 par la Tunisie, que notre pays a reçu douze recommandations sur la concrétisation desquelles il doit rendre des comptes en mai prochain. Parmi les engagements que la Tunisie a promis de concrétiser, elle cite la levée des réserves sur le Convention internationale de lutte contre la discrimination à l'égard de la femme (notre pays a levé ces réserves à l'époque du gouvernement Essebsi tout en maintenant une seule réserve qui a un rapport avec l'identité arabo-islamique de notre pays), l'adoption de la convention relative à la Cour pénale internationale de Rome (les documents de ratification ne sont pas encore parvenus à destination bien que le gouvernement sortant ait annoncé l'adoption de la convention). Les recommandations concernent également les libertés publiques et individuelles ainsi que la liberté d'accès au réseau Internet «que le régime déchu considérait comme tabou». La spécificité, entrave principale Pour Mazen Chakkoura, représentant du bureau du Haut commissariat aux droits de l'Homme à Tunis, les associations doivent s'astreindre à plusieurs critères dont le respect est la condition sine qua non de la crédibilité des rapports qu'elles sont en droit d'adresser au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU et qui ne doivent pas dépasser dix pages. Ainsi, les rédacteurs de ces rapports sont tenus de respecter, à la lettre, les critères de neutralité, d'objectivité, de professionnalisme, de confidentialité vis-à-vis des personnes victimes d'abus et des personnes qui ont pratiqué ces abus. L'expert du Haut comité des droits de l'Homme met en exergue le rôle des associations des droits de l'Homme qui ont la possibilité de faire entendre leurs voix dans trois rapports : contribution par leurs remarques et propositions au rapport national présenté par le gouvernement en place, présentation de leurs propres rapports au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU et participation aux rapports élaborés par les instances spécialisées relevant de l'ONU installées en Tunisie. Après avoir donné des indications sur la meilleure manière de rédiger un rapport qui allie neutralité, objectivité et crédibilité, il revient à la formulation des recommandations d'être précises, applicables, logiques et pouvant être exécutées dans une durée déterminée. Quant à la spécificité invoquée par ceux qui cherchent toujours des issues à leurs manquements au respect des droits de l'Homme, M. Chakkoura trouve que «ce prétexte fallacieux représente la meilleure façon de renier ses engagements par les pays qui utilisent les droits de l'Homme comme un paravent ou une simple vitrine trompeuse».