La profession des avocats connaît actuellement une petite crise au niveau de sa représentation, dont personne ne peut dire aujourd'hui quelles proportions elle va prendre. La raison : l'élection du nouveau bâtonnier, Me Chawki Tabib, tombe sous le coup d'une disposition qui a fait l'objet d'un décret-loi durant cette dernière période transitoire et qui stipule que le candidat doit avoir un minimum de dix ans d'ancienneté en qualité d'avocat inscrit auprès de la Cour de cassation. Pour l'intéressé, cet obstacle ne semble pas insurmontable dès lors qu'une majorité s'exprime au sein du Conseil pour, en quelque sorte, passer outre. Me Tabib rappelle par ailleurs que le Conseil des anciens bâtonniers s'est exprimé en appelant Me Fethi Ayouni à retirer la plainte qu'il vient de déposer au sujet de cette élection... Et, selon lui, ce dernier est disposé à s'exécuter, de sorte que cette contestation connaîtrait ainsi son épilogue... Oui mais voilà, cette version des choses n'est pas partagée par tout le monde. Me Rached Fray, secrétaire général du Conseil de l'ordre des avocats, par exemple, considère de son côté qu'il n'y a tout simplement pas eu d'élection, pour cette raison que certains membres du Conseil se sont retirés de l'opération du vote, qui se déroulait en contradiction avec la loi, et notamment avec l'article 56 qui précise la condition de l'ancienneté : «C'est un cas de violation de la loi, dit-il, on ne pouvait pas participer !» Me Fray, pour qui la présence de Me Tabib à la tête du Conseil de l'ordre est «illégale», rappelle en outre que le Conseil scientifique s'est réuni tout récemment et qu'il s'est prononcé sur cette élection en considérant qu'elle ne pouvait être validée... Il a d'ailleurs publié un communiqué dans ce sens en soulignant que la condition de l'ancienneté est une condition «substantielle». S'agissant du Conseil des anciens bâtonniers qui aurait apporté son soutien à Me Chawki Tabib, on fait remarquer que sa convocation ne s'est pas faite de façon officielle et que des figures importantes qui le composent n'ont d'ailleurs pas été consultées, parmi lesquelles Me Abderrazak Kilani, qui occupait le poste de bâtonnier avant d'être au gouvernement et qui, précise le secrétaire général, «n'a jamais démissionné». Tout semble indiquer que le nœud du litige réside dans l'autorité de la loi : Me Chawki Tabib, de son propre aveu, n'ignorait pas cette disposition relative à l'ancienneté qui a été conçue par le Conseil scientifique, mais il a jugé, avec les membres qui l'ont soutenu, qu'il pouvait lui opposer le fait d'une majorité au sein du Conseil de l'ordre pour la contourner. Est-ce jouable ? Dans quelle mesure la justice peut-elle trancher sur des questions qui ont trait à des dispositions se rapportant aux règlements intérieurs des professions ? N'est-il pas plus pertinent dans ce cas de s'en référer justement à la profession elle-même ? Me Rached Fray envisage en tout cas cette solution : «Une réunion aura lieu mercredi dont le but est de préparer une assemblée générale extraordinaire, qui aurait à se prononcer sur cette question»... C'est en effet cela qui, plus qu'une décision de justice sans doute, mettrait un terme à l'imbroglio !