Evénement, hier après-midi, au siège de l'Assemblée nationale constituante au Bardo. Flanqué de ses ministres, de ses ministres-conseillers et de ses secrétaires d'Etat, Hamadi Jebali, chef du gouvernement, était venu pour défendre le bilan de son gouvernement qui n'a pas encore achevé son premier mois dans la mesure où il a été formé le 24 décembre 2011 et pour éclairer et les constituants et l'opinion publique sur ce qu'elle envisage de réaliser en vue de faire face à la détérioration de plus en plus préoccupante de la situation sociale et sécuritaire du pays, du fait de la multiplication exagérée des sit-in, des mouvements de protestation, des blocages de routes et des comportements irresponsables de certains manifestants et protestataires qui ont poussé plusieurs entreprises nationales et étrangères à mettre la clé sous la porte et s'installer dans d'autres pays. Qu'est-ce que les constituants attendaient de ce premier rendez-vous de dialogue direct avec le gouvernement ? Comment évaluent-il l'analyse qu'a faite le chef du gouvernement de la situation ainsi que les solutions qu'il a proposées en vue de surmonter les difficultés de parcours ? Que pensent-ils, d'autre part, des suggestions de certaines parties appelant à la création d'un gouvernement d'union nationale ou de compétences nationales ? La responsabilité particulière des constituants «Pour moi, souligne le constituant Naceur Brahmi (CPR), la rencontre-dialogue d'aujourd'hui avec le chef du gouvernement constitue une sorte de consultation ouverte en vue de peaufiner la vision du gouvernement, comprendre aussi les raisons du blocage social et annoncer des mesures urgentes, surtout dans les régions intérieures du pays, ainsi que de penser à des solutions à moyen et à long termes pour résoudre la crise du chômage. Je pense également que l'un des objectifs de ce dialogue serait d'engager les élus à se comporter en acteurs effectifs du paysage politique national, à assumer leur responsabilité et à proposer leurs solutions aux problèmes en suspens». Pour ce qui est des indiscrétions relatives à un prochain remaniement ministériel ou à la possible création d'un gouvernement d'union ou de compétences nationales, il souligne : «Je crois que si tous les acteurs s'en tiennent au respect des règles démocratiques, il n'est pas nécessaire de former un gouvernement d'union ou de compétences nationales. Cependant si l'intérêt du pays l'exige, alors là je consens à la formation d'un gouvernement le plus large possible. Je reste persuadé que le situation actuelle de blocage est artificielle puisque tout le monde sait que les forces qui n'ont pas le courage d'agir à visage découvert font tout pour que les difficultés s'accumulent. Il faut laisser le gouvernement travailler et l'opposition est appelée à mener une politique responsable». Quant à Iyad Dahmani (constituant élu sur les listes du PDP), il exprime tout de go sa déception à propos du contenu de l'allocution du chef du gouvernement et son opposition à ce qu'il propose, particulièrement le traitement sécuritaire qu'il compte réserver aux sit-inneurs dont il considère l'action comme «anarchique et illégale». «Nous nous attendions, souligne-t-il, à des mesures urgentes qui répondent à la situation sociale explosive que vit notre pays. Malheureusement, l'allocution du chef du gouvernement n'a pas dérogé au programme présenté lors de la séance d'obtention de la confiance de la Constituante. Point de mesures pratiques pour ce qui est des questions de l'emploi et du développement et des généralités qui n'apportent rien de nouveau. Cependant, les menaces de recourir aux solutions sécuritaires pour faire face aux sit-inneurs ne nous rassurent pas parce qu'elle ne feront qu'empoisonner l'atmosphère générale et pousser aux excès et aux dépassements». Et le constituant de tenir à la volée l'appel lancé à la création d'un gouvernement de compétences nationales pour rappeler que «le PDP a déjà proposé la formation d'un gouvernement composé de compétences reconnues qui sera dirigé par une personnalité nationale qui allie l'expérience à l'expertise, sur la base de la création d'un gouvernement de compétences qui rompra avec l'expérience du gouvernement actuel de la Troïka». Les ministres sur le terrain Nafti Mahdhi (Ennahdha) exhorte les ministres du gouvernement Jebali à «investir le terrain et à écouter les préoccupations des citoyens, plus particulièrement dans les régions de l'intérieur du pays». Il est on ne peut plus clair et précis : «Les citoyens que j'ai rencontrés, dans six gouvernorats que je viens de visiter, s'accordent, quelles que soient les catégories socioprofessionnelles auxquelles ils appartiennent, à considérer que l'instabilité sécuritaire est la problématique n°1 qui commande des solutions urgentes et courageuses». Il est convaincu, d'autre part, que «le changement de personnes au sein du gouvernement Jebali ou la formation d'un autre gouvernement qu'il soit d'union ou de compétences nationales ne constitue point la solution idoine à la situation de blocage dont nous souffrons tous. Moi, j'appelle à l'organisation de conférences nationales sur les grands dossiers de l'heure, à l'instar de l'emploi, de la sécurité, de l'investissement, avec la participation de toutes les compétences de la société civile et de tous les acteurs du paysage politique qu'ils soient au gouvernement ou dans l'opposition, y compris ceux qui n'ont pas de représentants à la Constituante». Les constituants qui ont pris la parole (au nom des groupes parlementaires à la suite d'un accord avec le président de l'ANC) n'ont pas manqué de mettre à nu les erreurs commises par le gouvernement et qui sont en réalité la résultante logique des promesses exagérées et irréalisables exprimées lors de la campagne électorale. Ainsi, le constituant Ahmed Brahim (PDM) a-t-il notamment suggéré la formation de compétences nationales, «dans la mesure où aucun parmi les partis politiques, qu'ils relèvent de la majorité ou de l'opposition, ne peut prétendre posséder, à lui seul les solutions à la crise dans laquelle se débat notre pays». De son côté, Sahbi Attis (chef du groupe d'Ennahdha) a insisté sur la responsabilité que tous se doivent d'assumer afin que «l'expérience démocratique tunisienne réussisse et balise la voie du succès aux autres révolutions du printemps arabe qui nous suivent avec intérêt et considération pour ce qu'on a fait en si peu de temps». Fayçal Jedlaoui s'est, de son côté, étonné de l'incapacité du gouvernement Jebali à prendre les mesures requises contre les sit-in sauvages et les barrages ou les coupures de routes anarchiques. «Il est inacceptable que le gouvernement reste les bras croisés face à ces actes inadmissibles, d'autant plus qu'il reconnaît et annonce qu'ils sont illégaux», ajoute-t-il.