• Un taux de croissance négatif de -1,85% en 2011, annoncé par Jebali • Création d'un Conseil National de Développement, à côté d'un Conseil National du Pacte Social • Un taux de 4,5% pour 2012 est une utopie, selon Hichem Elloumi • Opter pour la ségrégation positive entre les régions, selon Ferjani Doghmani Quelle nouvelle approche pour le développement du pays ? Quelles critères utiliser pour une meilleure affectation des ressources budgétaires de l'Etat entre les régions et à l'intérieur d'une même région ? Telles sont les principales questions posées lors de la conférence nationale sur le développement, organisée hier par le ministère du Développement régional et de la Planification. Devant une assistance nombreuse formée de cadres du ministère, de membres de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC), de représentants de l'Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT), de l'Union Tunisienne de l'Industrie du Commerce et de l'Artisanat (UTICA), des cadres de la Banque Mondiale et de la Banque Européenne d'Investissement (BEI), Jameleddine Gharbi, a précisé que son ministère agit sur quatre axes : l'établissement d'un équilibre de développement entre les régions et à l'intérieur d'une même région, l'action pour que notre économie devienne plus compétitive, la création de davantage d'emplois et la baisse du niveau de pauvreté. Depuis la semaine dernière des comités régionaux ont défini leurs projets prioritaires en fonction de la vision de développement qu'ils ont choisie pour leur gouvernorat. Comment structurer notre économie pour qu'elle soit davantage compétitive ? Quels sont les critères réalistes à adopter afin de répartir de façon équitable les ressources budgétaires entre les régions et entre les localités de chaque région ? Le choix des critères doit se faire sur la base de concertations. Une feuille de route en sortira pour orienter le modèle de développement. Mobilisation de tous Hamadi Jébali, chef du Gouvernement provisoire, rappellera que cette conférence se tient dans une conjoncture exceptionnelle. Elle n'est pas un séminaire parmi tant d'autres. Le pays passe par une période délicate. Il a besoin d'une vision claire d'une stratégie de développement régional qui permet de réaliser les objectifs de la Révolution. « La Tunisie a besoin de nous tous, les responsables politiques au pouvoir ou dans l'opposition, économiques, sociaux, intellectuels et associatifs », dit-il en ajoutant que « l'heure appelle à la mobilisation de tous ». Des solutions pratiques et urgentes doivent être trouvées pour faire baisser le chômage, diminuer la pauvreté dont nous avons découvert l'ampleur après la Révolution…La conscience des tâhes à accomplir est aiguë. Une grande proportion de Tunisiens ne mangent pas à leur faim. Plus d'un million vivent dans la précarité. Le taux de croissance en 2011 est négatif. Il est à -1,85%. « Les revendications populaires sont légitimes et compréhensibles. Pour les satisfaire, nous devons réaliser le taux de croissance le plus élevé », dit-il. L'amélioration du climat des affaires est indispensable pour cette relance. Des politiques de restructuration de l'économie sont aussi nécessaires pour que « la croissance réussisse à entamer le socle de 700.000 chômeurs structurels dont de très nombreux diplômés du supérieur originaires des régions de l'intérieur ». Le chef du Gouvernement provisoire avait fait appel à toutes les parties pour se concerter sur la « nouvelle croissance tunisienne. En quoi cela consiste-t-il ? ». Dans cet ordre, il a avancé quelques idées sous forme de questions. Comment sortir la Tunisie du modèle actuel de croissance et qui est insuffisant aujourd'hui pour réduire la pauvreté et le chômage ? Comment faire en sorte que la Tunisie ne soit plus simplement une économie de sous-traitance et de seconde périphérie, pour se positionner dans des niches d'excellence à l'échelle internationale ? Comment créer davantage d'emplois et améliorer le niveau de vie des Tunisiens ? D'autant plus que la Tunisie dispose de compétences qui lui permettent de s'engager dans des activités à haute valeur ajoutée et à haut contenu scientifique. La Tunisie regorge d'opportunités dans le secteur des services. Comment relancer l'investissement ? L'investissement est un défi. Il faut balayer tous les blocages bureaucratiques et sécuritaires et toutes les entraves à l'initiative privée. Comment dynamiser le rôle des régions intérieures dans le développement ? « Je pense que nos régions disposent de richesses considérables, naturelles et patrimoniales, que nous ne mettons pas suffisamment en valeur », dit-il. Une nouvelle gouvernance du développement régional Un nouveau mode de gouvernance du développement régional est nécessaire. Les travaux entrepris dans les régions au sein des comités régionaux de développement, les travaux de cette conférence nationale, et enfin, les travaux qui seront entrepris au cours des rencontres régionales avec la société civile « devront se poursuivre au sein d'une nouvelle institution, le Conseil national de développement ». Ce conseil national sera composé de toutes les forces vives de la Nation : ministères directement concernés, chefs d'entreprise, syndicalistes, associations de développement régional, représentants de la société civile, experts nationaux et internationaux. « Le Conseil pilotera de près toutes les initiatives en matière de développement. Il fournira au gouvernement et à l'Assemblée Nationale Constituante, des avis, des propositions…Il pourra envoyer ses propres missions indépendantes dans les régions pour se faire un avis et le rendre public ». Ce Conseil sera créé, à côté du Conseil National du Pacte Social. Ferjani Doghmani, président de la Commission du Plan et des Finances au sein de la Constituante rappellera que les constituants ont consacré une semaine par mois pour s'occuper des problèmes des régions. Pour endiguer la pauvreté dans les 13 gouvernorats qui sont en état de détresse, il faudra un plan de développement bien réfléchi qui mette fin à la faiblesse de l'infrastructure, l'absence de l'esprit d'initiative, la baisse de la qualité de la vie dans les villes intérieures, la rareté des terres, la désertification, l'érosion, la perte des forêts… « Il faut fixer des objectifs basés sur la ségrégation positive en allouant une part supérieure des allocations de l'Etat à ces régions », dit-il. Des mesures urgentes à court terme, sont nécessaires pour les points névralgiques. Hichem Elloumi, représentant l'UTICA, dira que « la Révolution n'a pas de prix, elle a un coût à minimiser au maximum. La priorité est de débloquer la roue de l'économie qui est grippée. La reprise de la croissance nécessite la stabilité, la paix sociale et le besoin de visibilité. Il est urgent de s'assoir autour d'une table UGTT, UTICA, Gouvernement pour trouver des solutions aux grèves, sit-ins. Les investissements directs étrangers ont beaucoup baissé, quoique moins que l'Egypte. Il en est de même pour l'investissement national. La croissance négative enregistrée en 2011 est plus grave que ce qu'on croyait ». Il propose la création d'une commission de libération de la croissance. Quant au taux de croissance de 4,5% pour 2012 annoncé par le Gouvernement, il le considère comme utopique. Il propose 3%. Et il faut bien travailler pour les atteindre. « Nous devons travailler ensemble dans l'intérêt national », conclut-il. A titre d'exemple, dans les composantes automobiles, le Maroc a pris la place de la Tunisie, qui était la deuxième dans le monde. Il est aussi en train de prendre notre textile.