Un an après la révolution populaire du 14 janvier, la question du développement régional semble être toujours réduite à quelques stéréotypes : en d'autres termes, à une représentation simpliste de la réalité des régions. Cela dit, les poursuites contre les personnes coupables de ce déséquilibre et l'élaboration d'un cadre légal organisant le développement des zones longtemps marginalisées à l'époque de l'ancien régime tardent encore à venir. C'est ce que pense M. Sghaïer Salhi, ingénieur de son état, ayant conduit une liste indépendante dans la circonscription de l'Ariana à l'occasion des élections du 23 octobre dernier... Il propose donc de créer, au sein de l'Assemblée constituante, une commission d'investigation sur les injustices commises à l'égard de certaines régions. S'expliquant à ce sujet, il affirme que son initiative est menée par lui «à titre de citoyen, d'un citoyen qui porte un intérêt particulier aux questions du développement régional.» D'après lui, les politiques et les médias s'intéressent peu à la question du développement régional, bien qu'elle soit à l'origine de la révolution tunisienne. C'est pourquoi, il appelle à la création d'une structure aux contours clairs afin de prendre en charge la réforme des politiques adoptées en matière de développement régional. C'est dans ce sens qu'il vient d'adresser une demande au président de l'Assemblée constituante et à ses deux adjoints, mais aussi à certains secrétaires généraux et présidents de partis politiques et au secrétaire général de l'Union générale des travailleurs tunisiens (Ugtt), dans laquelle il explique les raisons de son initiative et la logique de sa démarche. A ce propos, il souligne que, dans le préambule du texte de loi organisant provisoirement les pouvoirs, l'Assemblée constituante s'attarde d'une manière détaillée sur les droits politiques, sans pour autant aborder le développement régional, bien que ce dernier représente un facteur déterminant dans la transition démocratique et la justice transitionnelle que vit le pays. M. Salhi considère, de surcroît, que l'instauration d'un développement équitable entre les régions, conformément à un texte légal et à une structure précise, semble être reléguée au second plan, alors que d'autres secteurs sont en pleine mutation, tels que ceux de la justice et des forces de l'ordre. Il fait remarquer, par ailleurs, que le ministère du Développement et celui des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle devraient se pencher davantage sur le sujet du développement régional en adoptant une nouvelle stratégie appropriée aux exigences du présent. S'agissant des disparités enregistrées entre les régions et entretenues par les deux régimes précédents, il rappelle que les lois d'autrefois sont encore de mise, soulignant que les régions favorisées sont toujours prises en charge par le Commissariat général au développement régional (Cgdr), alors que les régions défavorisées sont gérées par les Offices du développement. De ce point de vue, il fait observer que les lois n° 82 et n° 83 de 1994 résument, à elles seules, la grande injustice dont étaient victimes certaines régions du pays. Sur cette même lancée, il estime que le 12e Plan de développement, élaboré par l'ancien Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, et l'ex-ministre de la Coopération internationale, Mohamed Nouri Jouini, est toujours en application tel qu'il est et sans modification aucune. D'où le risque de commettre les mêmes maladresses et injustices en matière de développement régional. Sur un autre plan, l'ingénieur note que ceux qui ont été à l'origine de la marginalisation des régions défavorisées en concevant le modèle de développement en cours, entre 1995 et 2000, occupent encore des postes de responsabilité et s'avèrent être des partisans d'une croissance économique qui se réaliserait aux dépens des classes sociales démunies, conformément à un capitalisme qui excelle dans l'art d'ignorer les pauvres. Evoquant les responsables d'une politique de développement régional discriminatoire, il pointe du doigt les Premiers ministres, les ministres et les présidents qui ont participé, ou à l'élaboration ou à l'exécution des différents plans de développement à l'époque de Ben Ali. Il y ajoute consécutivement les anciens responsables des départemenats de l'Equipement, de l'Agriculture, de la Santé, de l'Enseignement supérieur, du Transport, de l'Industrie, de la Formation professionnelle. Ces responsables devraient être interrogés, selon lui, sur les démarches qu'ils ont adoptées en sélectionnant les régions où ont été implantées les zones industrielles et touristiques, les hôpitaux universitaires, les facultés de Médecine et les écoles d'ingénieurs. Tout autant qu'ils devraient être interrogés sur les raisons de la privation d'autres régions de gaz naturel algérien et des revenus phosphatiers et pétroliers, ce qui les a fait sombrer continuellement dans la misère.