Par Soufiane BEN FARHAT Fiasco, fiasco, fiasco. Nom d'un chien, l'Irak ne peut tomber plus bas. Et dire que cela se passe sous le label de la démocratie libérale étincelante. Récapitulons. D'abord, la démonisation de l'ancien régime irakien et la diabolisation de son président Saddam Hussein. Un jeu d'ombres et de simulation dont les propagandistes israéliens et pro-israéliens tiraient les ficelles, à l'abri des regards indiscrets. Comme ces gens-là ont des relais partout et qu'ils procèdent par intimidations et terrorisme intellectuel, cela a fini par devenir systématique. Systématique et massif. Un processus auquel tous les médias et think tanks occidentaux se sont adonnés corps et âme. S'ensuivit l'invasion militaire américaine et anglaise de l'Irak en avril 2003. Plus d'un million de morts. Des millions de personnes déplacées. Des centaines de milliers d'exilés. L'irruption de la guerre civile fratricide entre chiites et sunnites, dans un pays qui n'en a point connu depuis plus de mille ans. En occupant l'Irak, les Américains promettent d'ériger un modèle à suivre par les musulmans du monde entier, d'Indonésie au Maroc. Deux figures de proue des néoconservateurs américains, William Kristol et Lawrence F. Kaplan, publient alors un livre simplement intitulé Notre route commence à Bagdad (préface de François Heisbourg, Ed. Saint-Simon, Paris 2003). Et aujourd'hui qu'advient-il au bout de sept ans de régime dit démocratique, débarqué des fourgons blindés américains au même titre que la soldatesque et les pièces d'artillerie ? Près de deux mois après les élections législatives du 7 mars, les résultats du scrutin demeurent sujets à d'âpres différends et joutes. La liste d'Allaoui, annoncée dans un premier temps comme ayant remporté le scrutin, a été invalidée dans une large mesure. Les partisans d'Allaoui déclarent, à leur tour, qu'on leur a volé leur victoire. Dans un communiqué, la liste d'Allaoui affirme avoir envisagé et examiné de près tous les moyens de défendre sa victoire électorale. Elle appelle le Conseil de sécurité des Nations unies, l'Union européenne, l'Organisation de la conférence islamique et la Ligue arabe à installer un gouvernement provisoire et organiser de nouvelles élections. C'est dire où en sont arrivées les choses. Mais il y a encore pire. D'après le rapport de Human Rights Watch publié avant-hier, "tortures, corrections et pénétrations au moyen de manches à balai et de canons de pistolet étaient la norme dans une prison secrète dirigée par une unité de l'armée irakienne sous le commandement des services du Premier ministre". Il s'agit d'un centre de détention clandestin installé dans Bagdad. Human Rights Watch a pu interroger 42 des 300 prisonniers qui y étaient détenus. Son verdict est clair, net et précis : "Les récits de ces hommes sont crédibles et cohérents. La plupart des 300 détenus étaient marqués de cicatrices récentes et de blessures qu'ils disent provenir de la torture que leur ont fait subir de manière routinière et systématique les interrogateurs". Le compte-rendu des sévices est effarant : "Menottés, bandeau sur les yeux, suspendus par les pieds, nombre d'entre eux ont été frappés à coups de pied, fouettés, battus, selon les témoignages recueillis par HRW. Leurs interrogateurs les étouffaient en enserrant leurs têtes dans des sacs en plastique ou leur envoyaient des décharges électriques en plaçant les électrodes sur leurs parties génitales ou d'autres parties du corps". Il est question aussi de sévices sexuels, à faire pâlir de jalousie les tristement célèbres tortionnaires américains d'Abou Ghrib. Autant de pratiques brandies par les Américains au titre de justificatif à la veille de l'invasion de l'Irak. Ils voulaient alors un chèque en blanc. Ils grèvent aujourd'hui même le repoussant bilan de leur triste facture. Si c'est ça le modèle promis au milliard et demi de musulmans, bonjour les dégâts. Fiasco, fiasco, fiasco. Nom d'un chien, l'Irak ne peut tomber plus bas. Et dire que cela se passe sous le label de la démocratie libérale étincelante. A bien y voir, en fait, il s'agirait plutôt du contre-modèle démocratique…