«La révolution a-t-elle oublié les enfants» est l'intitulé du colloque qui a eu lieu vendredi à Tunis, organisé à l'initiative de l'université de Carthage, de l'unité de recherche sur l'enfance, de l'Institut supérieur des cadres de l'enfance de Carthage Dermech. Le but de ce colloque est d'enrichir la réflexion autour de la situation des enfants. Les éducateurs et professionnels travaillant dans le champ de l'enfance ont essayé de répondre à une double question : quelles sont les principales difficultés que connaissent les enfants et comment peuvent-ils parvenir à y remédier dans le cadre de la nouvelle situation que connaît le pays ? Le colloque vient à point nommé attirer l'attention de l'opinion et des pouvoirs publics sur la situation des enfants, que ce soit au sein des institutions ou dans la société d'une manière générale. La révolution du 14 janvier, qui a vu une grande participation de la jeunesse de ce pays, a entraîné un certain nombre de changements, notamment en matière de libertés démocratiques. Les enfants et les adolescents, qui sont en quelque sorte les oubliés de cette révolution, doivent eux aussi bénéficier de la liberté d'expression en participant pleinement à la vie de la collectivité. La véritable mission de la famille, de l'école et des institutions est de se mettre au service des enfants et des jeunes, ce qui suppose recueillir leurs idées, pensées, sentiments et points de vue en rapport avec le présent et le futur, ce qui signifie leur donner les conditions d'un développement harmonieux, veiller à leur confort, les protéger, les faire participer en tant que partenaires à la vie sociale et culturelle du pays. Les objectifs de cette révolution, ont indiqué les conférenciers, s'inscrivent dans l'égalité des chances pour tous les enfants quelle que soit leurs histoires, les aider à s'intégrer dans la société, inscrire les droits des enfants comme la priorité des priorités. Cri de souffrance Lors de son intervention, M. Lotfi Essid, éditeur, a indiqué que les médias et la société croient à un passage à la démocratie, «la réforme de l'enfance s'impose, c'est une nécessité». La pauvreté est une faiblesse, a ajouté le conférencier, qui a analysé le monde qui est en mutation; distinguer entre le bien et le mal, le goût et la liberté, c'est interpeller la conscience morale. Le développement social de l'enfant est important. Dans notre pays, les enfants ne connaissent pas les musées, «il faudrait canaliser les loisirs des enfants, l'adulte n'arrive pas à comprendre l'enfant. Le langage de l'enfant est inaccessible aux adultes; pour accéder à une vraie démocratie, il faudrait que le langage de l'enfant soit compréhensible. Dans notre pays, les enfants lancent un cri de souffrance et de haine en raison de leur absence sur la scène sociale et culturelle, mais aussi en raison de l'absence de psychologues et de sociologues». Mme Yasmine Mathlouthi, inspectrice de l'enfance et enseignante à l'Isce, indique que l'enfant est citoyen, «on ne devrait pas décider à sa place. Il faudrait procéder à l'application des droits de l'enfant et respecter le code de protection de l'enfant. La Constitution prône les droits de l'enfant, plusieurs associations luttent en faveur des droits de l'enfant. La révolution a engendré des enfants martyrs. Il faudrait élaborer un projet sociétal différent. Les avis divergent lors de ce colloque mais tous les points de vue consistent à canaliser les forces de la nation à protéger l'enfant contre cette société». De son côté, Mme Khouloud Ben Mahmoud, psychologue, souligne que la position de l'enfant n'est pas prise en charge par des espaces pour qu'il parle de ses traumatismes. Les exemples se multiplient lors de la révolution où des familles ont vécu un drame qui a poussé les enfants à l'échec scolaire, lors de la révolution les enfants martyrs et leur famille n'ont pas été pris en charge. Par ailleurs, il n'existe pas de centre ni de cellule d'écoute où s'expriment les enfants. L'enfant ne comprend pas parce qu'il ne parle pas. Freud a dénoncé dans ce sens l'ignorance, le traumatisme de la pré-révolution et l'adulte qui est à la fois agresseur et agressé. Il n'existe pas de psychologie adaptée. Le traumatisme psychologique laisse des séquelles et engendre des névroses obsessionnelles. Quant à M. Khalil Zamiti, sociologue, il a parlé du «regard psychologique» en indiquant que l'enfance est acteur de la révolution et que les aînés se sont emparés de la révolution. L'enfant se trouve confronté à deux registres culturels, l'un théocratique et l'autre laïque, ce qui crée chez lui une certaine perplexité. «L'enfant est au milieu de deux signaux contradictoires, or l'enfant que la Tunisie fabrique aujourd'hui sera l'enfant de demain, autant prôner un dialogue tolérant en prenant en considération l'enfant pour qu'il ait une personnalité équilibrée».