Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur la région de Jendouba ont provoqué chez les habitants terreur et fascination. Terreur à l'égard d'un phénomène naturel imprévisible et fascination devant ces tableaux alliant étendues d'eau, rivières courant sous des ponts et toutes ces plantations qui semblent marcher dans le vent. La crainte qui s'est vite installée chez ces gens aurait pour source les événements de 1973. Il faut dire qu'à cette époque, les crues de l'oued Medjerda, un des plus grands de la région du Maghreb et le plus long cours d'eau pérenne en Tunisie, d'une longueur de près de 500 km, avaient eu de lourdes conséquences. Cela dit, la rivière avait alors entraîné 940 millions de m3 d'eau en quelques jours. Cette fois-ci, la situation est beaucoup moins dangereuse et ne suscite pas toute cette alerte. C'est ce que confirme M. Chedli Ghazouani, chef du département des eaux et de l'équipement rural au Commissariat régional au développement agricole (Crda) de Jendouba. S'attardant sur l'état des lieux des barrages répartis à travers la région, il observe que la situation est sous contrôle : «La situation est loin d'être comparable à celle de 1973. Toutefois, il faut s'armer de vigilance afin de se protéger au mieux contre toute évolution brusque. D'ailleurs, à notre niveau, on suit continuellement les changements enregistrés au niveau de tous les barrages, tout en collaborant avec la Commission régionale de lutte contre les catastrophes naturelles. Plusieurs équipes d'experts sont, ainsi, mobilisées au niveau desdits barrages pour nous informer de toutes les évolutions. Cela nous permettra d'évaluer la dangerosité de la situation afin de prévoir les mesures nécessaires». M. Ghazouani considère également qu'il n'y a pas de risque pour ce qui est des vies humaines. Sauf que ceux qui habitent dans des zones basses que traverse le cours supérieur du fleuve sont appelés à déménager avec leur bétail. Alors que ceux qui sont limitrophes des zones à risque devraient délocaliser leurs équipements domestiques vers des endroits plus sûrs. «Ce n'est pas la première fois que l'oued Medjerda connaît une importante montée du niveau de l'eau. Nos aïeux ont vécu des situations pires que celle que nous vivons aujourd'hui, des situations grâce auxquelles ils ont acquis une certaine expérience qui leur a permis d'apprendre à composer avec toutes les situations. Je me rappelle bien, moi qui suis originaire de la région, les entendre dire : ‘‘Les crues se retireront dans deux ou trois heures''. Cette estimation, qui ne semble pas s'appuyer sur une science exacte, n'était néanmoins pas fausse, étant basée sur l'expérience d'un vécu riche en mutations et difficultés. Cela dit, en raison de l'affluence d'oueds aux flux irréguliers, l'oued Medjerda connaît des contrastes saisonniers très marqués. En outre, parce qu'il traverse des zones soumises à une érosion intense, il charrie d'importantes quantités de sédiments qu'il dépose lorsqu'il atteint les régions basses et plates de son cours inférieur. Dès lors, l'on assiste à un exhaussement général du lit (étendue rocheuse), dont les berges finissent par dominer la plaine. Ce qui donne lieu à une instabilité provoquée par l'écoulement de l'oued entre ses berges pour conduire, par la suite, à des changements de lit fréquents et à une difficulté pour l'épanchement des eaux dans des terrains de plus en plus plats». Le même interlocuteur rassure sur le fait que la situation n'est pas alarmante au point de susciter une telle frayeur, vu que l'oued Mellag est stable : «Quand les crues de l'oued Medjerda et celles de l'oued Mellag se croisent, le risque devient énorme. Heureusement que le cours d'eau au niveau du deuxième connaît un débit moyen. Ce qui peut être, à bien des égards, rassurant. Je pourrais vous dire, du reste, que tous les grands barrages, à savoir Medjerda, Béni Mtir, Bouherdma, Barbara, Mellag et Kassab, sont sous contrôle. Ajoutons qu'au jour d'aujourd'hui toutes les parties concernées sont au courant et suivent minutieusement les différentes évolutions afin d'intervenir en temps opportun». Sur un autre plan, M. Ghazouani relève que les difficultés provoquées par ces pluies diluviennes ne peuvent être autre chose que les conséquences d'un plan d'aménagement très mal étudié, résultat d'un grand laxisme de la part des parties responsables, qui ont exercé sous l'ancien régime. L'on parle notamment de responsables qui avaient autorisé la construction de logements dans des zones à risque. C'est à revoir...