C'est pour la énième fois qu'elles manifestent et qu'elles font entendre leur voix. Les familles des martyrs et blessés de la révolution n'ont pas renoncé à poursuivre les meurtriers de leurs enfants. A la veille de leur procès, prévu aujourd'hui, elles se sont massées, hier matin, par dizaines, devant le siège du ministère de la Défense, réclamant leur droit à une justice équitable. C'est l'unique message qu'elles ont voulu adresser directement au ministre visé par ces protestations, M. Abdelkarim Zbidi, en tant que parquet militaire. Mais aussi pour lui dire non à l'injustice. Ainsi, «Criminels au-dessus de la loi! », «Pas de liberté, tant que les criminels sont en état de liberté» constituent autant de slogans affichés sur des banderoles hissées par des manifestants, jeunes et moins jeunes, rassemblés sur l'esplanade de La Kasbah. Ils sont venus de plusieurs régions du pays. Veuves, orphelins et mères ayant perdu leurs chers et regrettés fils abattus par des «snipers» en pleine révolution populaire. Ils sont là pour se prononcer contre la manière avec laquelle se sont déroulées les précédentes séances d'audience au Tribunal militaire, à Bab Saâdoun. Très remontée, Fatma, mère du martyr Ahmed Ouerghi, qui est tombé le 16 janvier 2011, à Saïda Manoubia, à Tunis, a qualifié le procès des victimes de la révolution de «mascarade». «La position du juge militaire à notre égard est une véritable scène théâtrale trompeuse», a-t-elle jugé. Et d'ajouter que leur procès traîne encore en longueur, au point de devenir une comédie tragique. «Lors de l'audience précédente, ayant eu lieu au tribunal du Kef, le juge avait levé la séance sans avoir écouté les témoins des familles des martyrs», raconte-t-elle, avec beaucoup de tristesse. Elle a déclaré avoir déménagé à Bizerte pour fuir les amers souvenirs lui rappelant l'endroit où son fils avait trouvé la mort. Rebeh est venue, elle aussi, réclamer justice. Son fils, adjudant-chef à la Garde nationale, était tombé, le 15 janvier 2011, avec quatre de ses collègues à Mhamdia. «Ils étaient tous la cible de tirs provenant de certains soldats armés qui étaient déjà en train de faire des patrouilles nocturnes», affirme-t-elle, en se référant à des témoins oculaires. «Je ne revendique qu'un jugement équitable», révèle-t-elle, en pointant le doigt vers des éléments de l'Armée nationale. Nabil Laâroussi, tué le même jour que le fils de Rebeh, à La Goulette, était aussi, selon sa veuve Wafa, victime des interventions aveugles de l'armée. Elle a pris part à la manifestation d'hier pour dénoncer le verdict prononcé. «Le juge militaire a considéré leur mort comme un acte d'homicide involontaire», a-t-elle fait savoir. «D'autres victimes avaient succombé au Kram, sous les coups de feu de certains agents de sécurité», indique Mounira, sœur d'un martyr. Originaire de Kasserine, Hamadi Bouzidi vient d'accuser un certain Wissem Ouertatani, chef du poste de police de la région, d'avoir tué son fils Raouf à la cité Ennour à Kasserine. Le père du martyr Belgacem Ghodhbani a mis à l'index Moncef Laâjimi, ex-directeur général des unités d'intervention à Bouchoucha, espérant voir le juge du Tribunal militaire prendre l'affaire au sérieux. Au moment de la manifestation, le comité de défense s'est rendu au département ministériel pour s'entretenir avec le ministre au sujet du procès des familles des martyrs. Me Mourad Safraoui, un des membres dudit comité, nous a révélé que leur rencontre avec le chef du cabinet a porté essentiellement sur la garantie d'un bon déroulement du procès, dans un climat de confiance et d'équité. «Il est, également, question de permettre aux témoins au cours du procès d'aujourd'hui de s'exprimer librement...», précise -t-il.