Par Jawhar CHATTY On se bouscule, paraît-il, au portillon. Le site tunisien a aujourd'hui le vent en poupe. Le gouvernement affiche les intentions d'investissement comme d'autres étalent leurs marchandises sur les trottoirs. Des intentions d'investissements à la pelle. En veux-tu, en voilà. En gros et en vrac, pêle-mêle. Les intentions d'investissement, à la différence des projets déclarés, restent des promesses qui, dans le meilleur des cas, n'engagent que ceux qui les avaient formulées. Ces intentions sont la meilleure formule qu'avait jusque-là trouvé la sphère des affaires pour dire avec des mots empruntés au langage diplomatique, qu'elle est en train de sonder, de mesurer et d'étudier la pertinence d'un tel «projet» d'investissement. Autant dire, qu'elles relèvent à ce stade du domaine aussi bien du possible que de l'hypothétique. Sans doute, faudrait-il, en l'occurrence, positiver et voir dans ces intentions un regain de confiance vis-à-vis du site tunisien auprès de la sphère de l'investissement. Il n'empêche, même en période économique difficile et au moment où le pays a le plus besoin de l'apport en termes d'investissements, il ne devrait nullement être question de brader la destination Tunisie. Il y va non seulement du prestige de la Tunisie, ce petit pays à partir duquel est tout de même partie l'étincelle de la liberté et de la dignité à l'échelle régionale, mais aussi de la crédibilité de notre diplomatie économique et du sérieux de notre politique de coopération économique internationale. A force de vouloir appâter et attirer à tout prix les flux d'investissements étrangers, on risque tout naturellement d'être peu regardants et peu exigeants quant à la qualité des ...intentions d'investissement. On retombera alors dans les mêmes travers des politiques économiques des années 70-90. A l'époque, la Tunisie avait sans doute réussi à capter des volumes considérables d'IDE, notamment dans le secteur du textile. Ces investissements ont non seulement été largement rentables pour les investisseurs étrangers, pour certains sous-traitants nationaux sans vergogne et pour certaines banques de la place, mais ils ont aussi maintenu et entretenu, en l'absence de tout transfert technologique et de savoir-faire, une lourde dépendance de l'économie nationale vis-à-vis des donneurs d'ordre. Ce qui fait que depuis la loi de 1972, le secteur tunisien du textile, pour ne citer que celui-là, n'ait, quarante ans plus tard, ni trouvé une identité propre ni encore moins les moyens de s'affranchir du diktat des mêmes donneurs d'ordre. Devoir encore une fois le souligner, est une manière d'attirer l'attention des pouvoirs publics et de les appeler à faire montre, au-delà de la conjoncture, de lucidité, de prudence et de vigilance chaque fois qu'il est question d'investissements étrangers. Chacun sait, et le gouvernement provisoire est bien placé pour le savoir plus que tout le monde, que les rapaces et les vautours de l'investissement étranger sont toujours et constamment aux aguets. Il revient à ce titre au gouvernement de poser et de définir des critères stricts de sélection des intentions d'investissement. En attendant, le nouveau code de l'investissement, il serait bon de soumettre à l'Assemblée constituante tout projet d'investissement étranger d'envergure qui engage l'avenir de l'économie nationale et du pays dans son ensemble. La vigilance devra, en la matière, être de mise.