Ils sont sept à avoir escaladé jusqu'au pyramidion de l'horloge qui surplombe l'avenue Bourguiba. Ils sont sept et ils viennent de déployer leur drapeau noir au sommet de l'obélisque sous le brouhaha de leurs acolytes qui tournent autour du piédestal. L'heure indiquée est midi passé. Ils sont les salafistes de la douzième heure. L'image est riche, voire inépuisable et certainement paradoxale. Je ne vais pas interpréter l'obélisque et sa symbolique phallique cela mériterait tout un essai en sémiologie. Je vais juste me focaliser sur l'image des sept salafistes. On connaît tous les «sept sages» de la Grèce Antique immortalisés dans une mosaïque romaine de Pompéi (qui se trouve aujourd'hui dans le musée national de Naples), «sages» qui ont légué au monde des maximes de vie comme : «Garder la mesure en toute chose» ou «Rester maître de son désir». On connaît aussi les Sept Samouraïs, film légendaire d'Akira Kurosawa qui raconte l'histoire de villageois qui ont recruté sept mercenaires pour se défendre contre des bandits qui menaçaient leur paisible village. On connaît aussi les Sept salopards, un film tout aussi mythique qui s'est inspiré du dernier et qui a repris la même idée mais dans un décor de western. Inutile de dire que l'image de sept hommes réunis a toujours véhiculé l'idée d'une clique, assez blasée venue d'on ne se sait où, qui cherchait à défendre la société contre les dangers qui la guettent. Quid de nos sept salafistes ? Sont-ils les défenseurs de la liberté et du vivre-ensemble ? Veulent-ils un ordre plus juste basé sur un véritable contrat social ? Réclament-ils une société unie et plurielle qui respecte l'opinion et les convictions de l'autre ? Ou cherchent-ils à imposer aux Tunisiens un ordre basé sur la haine viscérale de la démocratie et des droits humains ? On a connu les militants de la dernière heure, ceux qui n'osaient pas critiquer l'ancien régime et qui sont devenus soudain les avocats de la Révolution avec la fuite de l'ex-président. On peut à la limite leur pardonner. Ils sont retardataires, ils étaient naïfs ou peureux... Mais nous voici aujourd'hui face aux salafistes de la douzième heure, sept salafistes qui ont escaladé l'horloge pour arrêter le temps et par-là, confisquer le rêve d'un peuple, peuple qui est descendu dans toutes les rues du pays avant l'aube du 14 janvier pour dire non à la dictature, à toute dictature qu'elle soit violette, pourpre, bleue ou noire.