L'exposition du plasticien Ahmed Souabni, qui se tient à l'espace Caliga, depuis le samedi 24 mars et qui se poursuivra jusqu'au jeudi 12 avril, vient juste, après deux années d'absence passées loin des cimaises, renouer les liens avec le monde pictural. Ce retour sur les devants de la scène constitue un grand événement qu'il faut saluer, d'autant qu'il marque la reprise des activités culturelles, à un moment où celles-ci peinent encore à trouver leurs repères et leurs marques. («Lorsque Souabni expose, le printemps se déplace même en décembre», écrit N'ja Mahdaoui dans le prospectus de l'expo). «Sayonara» est le titre qu'aurait pu choisir Ahmed Souabni pour son exposition. Ce titre remue de vieux souvenirs, presque oubliés, qui remontent aujourd'hui à la surface. Des souvenirs qui évoquent un air de nostalgie liée à une époque, celle des sixties. Plus précisément, l'année 1964 où il était étudiant à l'Ecole des beaux-arts de Tunis et avait pour professeurs d'arts plastiques Jacques Arnaud et Gilbert Zitoun. Pour illustrer ces années de jeunesse au goût de miel, où Tunis avait réellement la réputation de ville cosmopolite, accueillante et ouverte, l'artiste a opté pour un tableau «Sayonara», qui signifie en japonais «Adieu», du titre d'un film de Marlon Brando. Cette année-là, le professeur de peinture a loué les services d'une séduisante créature, un modèle, pour poser pour ses étudiants. En quittant le cours, le jeune étudiant s'est trouvé devant les guichets d'un cinéma qui projetait le film «Sayonara». En entrant dans la salle, il a retrouvé le modèle qui posait juste avant. En hommage à elle, Ahmed la désigne comme source de son inspiration. Un come-back tant attendu L'espace Caliga ne désemplissait pas ce samedi 24 mars, le jour du vernissage. Le tout-Tunis est venu en grand nombre pour passer des commandes au grand bonheur du galériste Ahmed Ghali qui se frottait les mains. C'est que l'artiste constitue une valeur sûre au marché de l'art et qu'il est recommandé d'acquérir des tableaux signés de sa griffe. Les sujets préférés de Souabni demeurent inévitablement les portraits et les chevauchées en plein désert, ainsi que les chameaux. On peut y lire le refus d'une modernité aveugle et sauvage, ainsi que le respect des valeurs ancestrales à travers la sauvegarde des traditions séculaires anciennes. Les personnages, au nombre de vingt-cinq, sont peints d'une façon énigmatique et sont l'expression d'un monde onirique à l'aspect impénétrable. C'est qu'il a le don de projeter ses traits, ainsi que les couleurs d'une manière violente et pleinne d'ardeur, comme s'il était sous l'emprise de la fureur et de la colère. Ses compositions, inondées de lumière et de chaleur douce et réconfortante, font chaud au cœur et procurent un ravissement pour les yeux. Des portraits représentés dans une profusion de détails, un peu stylisés. Certains vous diront que l'artiste privilégie l'art de procéder par saccade, mouvements et gestes brusques et irréguliers qui contribuent à produire l'effet recherché qui distingue de tous les autres l'artiste Ahmed Souabni.