Par un beau midi de la fin mars, Am Ali, l'un des chauffeurs engagés pour cette production, accompagné de Jouda, une des assistantes, vient nous chercher à notre hôtel à Sousse. Direction un autre hôtel où lon doit récupérer l'actrice Norhane Bouzaïane, qui campe le rôle de Rafika, l'une des filles du «raïs» Ezzeddine (Fathi Heddaoui), avant de prendre le chemin de Ksar Hellal. La matinée est belle. Une heure de route quand même, malgré la proximité des deux villes. C'est que le chemin est cabossé et la circulation loin d'être fluide. Arrivée vers 13h00, heure de la pause-déjeuner. Toute l'équipe se trouve dans un grand dépôt, à proximité des lieux de tournage aménagé en réfectoire. Nous rejoignons la table du producteur exécutif Néjib Ayed, Hamadi Arafa et la scripte Saïda Ben Mahmoud. Le repas est consistant : couscous au osbane. Pas de perte de temps, la reprise est pour 14h00. Pas le temps de traîner ou de faire une sieste. La scripte regagne la première le plateau, rejointe par le réalisateur. Nous suivons ce dernier pour des explications sur la séquence à tourner. C'est une scène de séparation assez émouvante. Le «raïs» Noureddine, divorcé de sa première femme, veut se redonner une nouvelle jeunesse. Il s'installe dans une villa qu'il a construite en bord de mer, aux confins de la ville. Il quitte donc sa maison avec les regrets et l'incompréhension de ses filles. C'est un moment pénible pour lui et pour sa famille. Un moment de séparation avec une vie passée et un environnement qu'il va quitter pour s'installer dans une nouvelle villa et préparer son nouveau mariage. Fathi Heddaoui, qui campe le personnage de «raïs», regagne vite la salle des costumes. L'habilleuse et son assistant lui proposent les vêtements pour la scène programmée : un pantalon gris, une chemise bleu clair, puis hésitent pour la veste ou le blouson. Là-dessus, il faut solliciter l'avis du réalisateur qui aura le dernier mot. Pendant qu'on l'habille, une assistante lui lit la séquence à tourner. « Où sont les dialogues? », lui demande-t-il. « La séquence est muette », lui rétorque-t-elle. Pendant ce temps, l'acteur s'engouffre dans le salon de coiffure et de maquillage. Le coiffeur le prend en main. Il lui rase la barbe de près et lui donne un coup de séchoir. L'habilleuse jette un dernier coup d'œil sur son costume. Scène à charge émotionnelle Dans la maison des Ayed transformée en demeure de «Raïs» Ezzeddine, l'équipe technique s'affaire à mettre au point la scène. La caméra est installée sur les rails. Un travelling en perspective. Les actrices et figurantes se tiennent prêtes. Fathi Heddaoui est au pas de la porte de la chambre, celle justement où est né le producteur Néjib Ayed, il y a un peu moins de 60 ans. Il porte le blouson et pas la veste. Il discute avec le réalisateur sur certains détails. Le prêt-à-tourner est donné. Le silence est demandé. Extérieur-jour, cour intérieur de la maison, Fathi Heddaoui, deux valises en main, le visage fermé et grave, doit quitter les lieux. Le voici dans la vaste cour de la maison, il dépose ses valises lorsque deux de ses filles se jettent dans ses bras pour lui dire au revoir. La plus jeune se sauve en pleurant. La scène est chargée d'émotion. Elle est filmée en plan serré. A notre avis, une plongée aurait donné plus d'intensité à ce moment fort d'adieu. Pas de dialogue. C'est la cinquième semaine de tournage sur un total prévu de vingt pour trente épisodes. Le temps presse. Ramadan est dans environ trois mois et demi. Alors, chaque minute compte. Le producteur exécutif, aidé de son équipe, est vigilant sur la question du temps. Même si les moyens techniques sont cinématographiques, on tourne tout de même plus rapidement qu'au cinéma, sans que le travail ne soit bâclé, bien entendu. L'enveloppe budgétaire pourrait paraître énorme, deux milliards et demi de nos millimes, mais reste raisonnable pour ce feuilleton de trente épisodes. Un drame social qui traite notamment des thèmes de l'immigration clandestine qui frappe des centaines de familles d'une région côtière du pays et de l'échec d'une politique répressive empêchant toute liberté d'expression et d'action. Le personnage central, Catherine/Aïcha, est le symbole de cette migration tant voulue et recherchée par les jeunes avant la révolution. Rendez-vous au prochain mois de Ramadan pour suivre cette saga sociale aux multiples rebondissements.