A la question de savoir comment il voit la composition de la prochaine instance chargée de la justice transitionnelle ainsi que les prérogatives dont elle bénéficiera, Me Amor Safraoui, coordinateur général de la coalition nationale pour la justice transitionnelle (composée de plus de 20 organisations non gouvernementales et associations de la société civile dont l'Ugtt, la Ltdh, l'AMT, etc.), précise : «Pour moi, ça commence mal puisque nous avons déjà expliqué à M. Samir Dilou, ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, que cette dernière est l'œuvre de la société civile et il était parfaitement d'accord sur ce point là. Nous lui avons exprimé, en même temps, notre crainte que le nouveau ministère n'accapare les compétences et les attributions qui reviennent à la société civile. Il nous a répondu que le ministère interviendra en tant que coordinateur pour assurer la logistique nécessaire et réunir les conditions de réussite à la justice transitionnelle. Malheureusement, nous constatons que tout se fait actuellement dans l'absence totale de la société civile et nous avons peur que cette dernière puisse être empêchée d'exercer son rôle. En dépit de notre appel à ce que l'Alliance nationale pour la justice transitionnelle puisse intervenir, lors de la séance matinale, aujourd'hui, de la conférence nationale sur la justice transitionnelle afin de pouvoir présenter notre conception de la justice transitionnelle et du rôle que la société civile est appelée à y assurer, on nous a répondu que le programme était déjà arrêté et que la coalition peut intervenir dans les ateliers de réflexion qui se tiendront lors de la séance de l'après-midi. A l'Alliance nationale pour la justice transitionnelle, nous revendiquons le droit de participer à la mise en place de la loi qui sera promulguée pour l'instauration des fondements et des mécanismes de la justice transitionnelle et nous avons proposé la création d'une haute instance pour la justice, la lutte contre l'impunité et la réconciliation. Nous appelons également à être associés au choix des membres de cette haute instance qui doivent être indépendants, impartiaux et compétents». Pour quelle logique l'Alliance nationale pour la justice transitionnelle opte-t-elle : les poursuites judiciaires et le jugement de ceux qui ont dévié ou la réconciliation et le pardon tout en assurant le dédommagement des victimes ? Me Amor Safraoui commence par définir en quoi consiste, d'abord, la justice transitionnelle, «le but étant d'éclairer l'opinion publique et de dissiper les doutes qui ont envahi beaucoup d'esprits ces derniers jours». Il souligne : «La justice transitionnelle consiste en l'instauration de nombre de mécanismes en vue de traiter les graves violations commises par un régime despotique dans une période déterminée, d'une part, de l'instauration de l'Etat de droit et de la réalisation, d'autre part, de la transition démocratique sur des fondements qui rompent définitivement avec la répression, le despotisme et le pillage des biens publics ainsi que la malversation et la corruption. Dans toutes les expériences de transition démocratique, l'expérience marocaine faisant l'exception, l'adéquation jugement-réconciliation a été difficile à réaliser. Nous, à l'Alliance nationale pour la justice transitionnelle, nous avançons les deux propositions suivantes : — Pour ce qui est des affaires de torture et d'assassinat, nous considérons que le dernier mot doit revenir à la victime. — Quant aux affaires se rapportant au pillage des deniers publics, à la malversation et à la corruption, l'Alliance propose que les coupables commencent par avouer leurs crimes, s'excusent auprès du peuple et restituent l'argent spolié aux ayants droit. A ce moment là, la réconciliation devient possible sans que les coupables ne soient poursuivis par-devant la justice. Toutefois, l'Alliance refuse catégoriquement les arrangements et les marchés louches».