A la galerie Saladin, à Sidi Bou Saïd, on aime les filiations et les allégeances. Cette toute jeune galerie —elle a à peine un an, mais a déjà reçu 92 artistes sur ses cimaises— a choisi pour parrain Saladin le Magnifique. C'est ambitieux et cela place très haut la barre. Les promoteurs de ce nouvel espace sont des amoureux des arts, l'un banquier, l'autre imprimeur, qui ont choisi de consacrer leurs loisirs et leurs efforts au service de l'art et de leurs amis artistes. C'est, d'ailleurs, une plasticienne qui porte un très grand nom qu'ils invitaient récemment à leur espace : Corinne Pissaro, arrière-petite-fille par alliance de Camile Jacob Pissaro. Bon sang ne saurait mentir : chez les Pissaro, on est peintre en naissance, de père en fils, ou en fille. On en dénombre dix-huit à ce jour, qui ont choisi de se consacrer à l'art pictural. Corinne Pissaro expose, donc, à la galerie Saladin de délicates aquarelles, de subtiles compositions florales, des paysages éthérés, de tendres jeunes femmes et de gracieuses scènes d'intérieur. C'est charmant, joliment troussé, et délibérément démodé. «Délibérément anachronique, le néo-classicisme de Corinne poursuit une tradition picturale que l'Histoire de notre époque a balayée depuis belle lurette... éperdument indifférente à de telles considérations... », écrit notre ami Mustapha Chelbi à son propos. Corinne Pissaro peint donc des bouquets, mais ceux-ci sont-ils aussi innocents qu'ils veulent bien le paraître ? «Corinne ne peint pas ses bouquets dans la tranquillité d'une demeure bourgeoise, elle veut s'inscrire dans la voie illicite du vol des bouquets. Bouquets volés aux voisins, volés à la nuit, volés au silence... », écrit encore Mustapha Chelbi. Et dès lors, c'est une autre palette qui apparaît derrière ces fleurs à l'apparence si sage, derrière cette artiste à la touche si «comme il faut» et que chacun découvrira, selon sa sensibilité.