En marge des rencontres chorégraphiques de Carthage et Extra 12 Annecy à Tunis, le Centre culturel de Hammamet a abrité, jeudi dernier, une rencontre du réseau Coopératives artistiques des Suds autour du thème «Production et diffusion au sein des réseaux Maghreb/Proche Orient/ Europe» au cours de laquelle les participants danseurs, chorégraphes et journalistes internationaux (France 2, FR3, le Dauphiné, etc.) ont assisté aux témoignages des artistes tunisiens : Fadhel Jaïbi, metteur en scène, Zeineb Farhat, animatrice de l'espace Teatro, et Hafiz Dhaou, chorégraphe. Présidée par Salvador Garcia, directeur d'Extra 12 d'Annecy, la séance a permis, tout d'abord, à Fethi Heddaoui, directeur du CCH, de présenter un bref aperçu sur le Centre qui, a-t-il indiqué, «est passé de rien du tout, autrement dit sans structure juridique, à un service public». Une refondation totale a été effectuée qui constitue «un challenge qu'on va essayer de gagner pour faire du CCH un pôle d'attraction artistique», ajoute Fethi Heddaoui. Prenant la parole, Fadhel Jaïbi a révélé le projet de son prochain spectacle théâtral «Tsunami», actuellement en gestation et que sa programmation au cours de ces RCC est un malentendu. «Amnesia», c'est Antigone à l'envers «Nous continuons, Jalila Baccar, Habib Belhédi et moi-même, le même clou depuis des années pour dire deux ou trois choses», a rappelé le metteur en scène. Il s'agit d'un théâtre citoyen d'ici et maintenant. Au sujet du titre «Tsunami», qui n'est que provisoire, il est lié à ce qui est arrivé en Tunisie, la révolution, un bouleversement tous azimuts, un véritable tsunami. Cette pièce est le troisième volet d'une trilogie qui a commencé avec «Corps otages» (2007), suivie d'«Amnesia» ou «Yahia Yaiche» (2010) et se terminera avec «Tsunami» qui sera visible à Tunis en 2013. Dans cette nouvelle création, il est question de «mémoire parce que sans mémoire un peuple n'existe pas», a souligné Jaïbi. «“Khamssoun” est une rétrospective de 50 ans de pouvoir totalitaire, c'est aussi l'histoire de la gauche et de l'émergence de l'islamisme dont on voit les répercussions fâcheuses aujourd'hui», a-t-il expliqué. «Amnesia» est une pièce annonciatrice de la chute d'un tyran. C'est un portrait au scalpel de la famille régnante. «Corps otages» a été interdite durant six mois et la mobilisation des uns et des autres ici et ailleurs la fait sauver. Idem pour «Amnesia». La nouvelle création «Tsunami» interpelle la conscience nationale. «Nous assistons à une exaction de la part des obscurantistes qui s'opposent à une culture alternative. Nous sommes plus que jamais en péril. Nous devons donc leur barrer la route», a suggéré l'auteur de «Familia». Le spectacle rendra compte de la Tunisie postrévolutionnaire. «Actuellement, le pays est coupé en deux entre ceux qui défendent les libertés et ceux qui veulent nous plonger dans la hantise. En fait “Amnesia” c'est Antigone à l'envers». La danse, cinquième roue du carrosse Quant à Zeineb Farhat, elle a présenté l'espace Teatro, qui existe depuis 25 ans. «On s'est beaucoup amusé en accueillant la majorité des spectacles d'esprit libre. On a créé des codes pour esquiver la censure. C'est une très belle aventure. Mais cela n'empêche que nous rencontrons beaucoup de difficultés en tant qu'espace citoyen, libre, laïque et de gauche. La création nous permet de résister en étant à l'écoute de toute énergie créatrice», reconnaît-elle et d'appeler l'Union européenne à faire pression pour que les accords soient respectés. Si cette rencontre a permis de donner la parole à ceux qui pratiquent le théâtre, ce n'est qu'en dernier lieu que place a été faite à la danse. D'ailleurs, les intervenants tunisiens étaient absents, sauf le directeur artistique des RCC, Hafiz Dhaou, qui a évoqué les difficultés que rencontre la danse en Tunisie, ainsi que les danseurs et les chorégraphes. «Par absence d'espaces, les danseurs sont obligés de travailler dans leur chambre», a-t-il souligné. «Où sont le ballet national de danse, la troupe de danse folklorique et le Centre national de la danse?» s'est interrogé le chorégraphe et danseur. Pas de statut ni de subvention, la danse est considérée comme la cinquième roue du carrosse. Pourtant, les danseurs tunisiens sillonnent le monde et font des salles pleines. Auparavant, le danseur Ali Moini a proposé une performance très applaudie par l'assistance qui consiste en une transe aux couteaux à partir d'incantations en langue perse. Pour sa part, Hafiz Dhaou a présenté dans l'espace de Dar Sebastien une performance très énergique sur une musique réalisée à partir des encouragements de supporters dans un stade de foot. La prestation a été beaucoup appréciée par les présents.