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Plaidoirie pour les médias publics : Le cas du journal La Presse
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 07 - 05 - 2012


Par Rachida Ennaiefer*
Plaider la cause de quelqu'un suppose que la personne est accusée, à tort ou à raison, d'avoir commis une infraction. Si c'est à tort, on cherchera à prouver son innocence, si c'est à raison, on va chercher à invoquer les circonstances particulières qui l'auraient poussé à commettre les faits incriminés. En plaidant la cause des médias publics, il peut s'agir de l'un ou de l'autre ou peut-être les deux à la fois. Car les médias publics ne sont à vrai dire que ce que nous avons voulu, ce que nous voulons et ce que nous voudrions qu'ils soient. Le nous renvoie à la fois au pouvoir politique en place, au peuple s'exprimant par le biais de l'opinion publique et aux journalistes faiseurs des médias.
Dans cette trilogie, il est toujours permis de jouer à cache-cache ou de se renvoyer la balle dans un match éternellement nul. On peut aussi chercher à délimiter les différents niveaux de responsabilité dans ce qui peut être considéré comme étant la dérive des médias publics pendant cette longue descente aux enfers qui a commencé en 1990 lors de la guerre du Golfe. Laquelle guerre a ouvert une ère d'impunité pour les despotes arabes moyennant un engagement à appuyer la nouvelle superpuissance du monde dans la réalisation de ses plans hégémoniques dans la région. Cette délimitation devrait aboutir à l'établissement d'une responsabilité différenciée, dans le cadre d'une justice transitionnelle, entre donneurs d'ordres et exécutants.
Mais plus important et plus urgent encore est de répondre à la question si les médias publics peuvent contribuer aujourd'hui à construire la démocratie ou constituent-ils des freins voire même sont-ils devenus les armes de la contre-révolution ?
Progrande gouvernementale et médias publics
Débat frileux empreint même de violence politique que celui qui s'est focalisé depuis plusieurs mois sur le devenir de la Télévision nationale et notamment le téléjournal de chaîne 1. Accusé de mauve, la Télévision nationale, aux dires de ses accusateurs, doit être redressée, épurée sinon disparaître. A l'arrière-fond d'un tel débat se profile une nette confusion entre propagande gouvernementale et médias publics. L'amalgame, à vrai dire, ne date pas d'aujourd'hui et ne concerne pas seulement le secteur audiovisuel. Aussi bien la presse écrite que le journalisme d'agence en avait souffert sous Bourguiba, ensuite sous Ben Ali. L'étude de la situation du journal La Presse peut aider à comprendre le rôle que peuvent jouer les médias publics. Elle permet surtout de rationnaliser un débat qui, pour le moins que l'on puisse dire, est loin d'être dépassionné, lorsqu'il s'agit d'audiovisuel, étant donné l'importance de l'image et sa pénétration dans tous les foyers, indépendamment des niveaux socioculturels.
Créé en 1937, par Henri Smadja, docteur en médecine et docteur en droit, le journal La Presse passe, à la fin des années 60 du siècle passé, sous la tutelle de l'Etat tunisien. Depuis, la ligne du journal a dû subir, coup sur coup, les changements, voire les tergiversations de la politique tunisienne. Du coopérativisme au libéralisme économique et du monopartisme de fait au pluralisme inversé, le journal a dû naviguer à vue au gré des alliances politiques, du degré d'implication de ses directeurs et de la combativité de ses journalistes.
D'une époque à l'autre mais aussi d'une page du journal à l'autre, La Presse pouvait affirmer une chose et son contraire. Ce qui aurait pu être considéré comme une contradiction sous d'autres cieux, était perçu comme une force de ce journal maudit, mais sollicité tout de même.
Chedly Klibi, ministre de l'Information à l'époque, avait bien résumé la situation en affirmant que la une du journal La Presse se devait de refléter la position du gouvernement, alors qu'à partir de la deux, les journalistes étaient appelés à informer en toute liberté et objectivité. C'était une sorte de compromis boiteux que les journalistes n'ont pas manqué assez souvent de tourner à leur avantage en repoussant toujours plus loin les limites de la censure. Mais ce fut aussi le point de départ d'un grand combat pour la liberté d'informer et le respect de l'éthique où plusieurs d'entre eux y avaient laissé des plumes.
Compétence et allégeance
Un tel compromis devait se refléter jusqu'au niveau du recrutement et de la promotion des journalistes. Compétence et allégeance allaient se livrer une bataille sans merci, lorsqu'elles ne pouvaient pas se retrouver chez la même personne et rarement elle l'était.
Ainsi naissait sous le régime de Bourguiba le concept de média gouvpublic (1). Les politiques changeaient, les ministres défilaient et parfois filaient, mais le journal La Presse restait debout tel ce roseau de Pascal qui courbe mais ne se casse jamais. Et même lorsque la répression s'abattait sur les journalistes, elle était toujours plus clémente (mais aussi plus sournoise) que celle qui pouvait s'abattre sur leurs confrères de la presse privée. Licencier un journaliste de La Presse pouvait aller jusqu'à être considéré comme une affaire d'Etat alors que le licenciement dans le secteur privé était devenu, dans les années 80, un fait presque anodin.
Les conditions de travail étaient aussi meilleures, ce qui permettait d'y pratiquer certains genres journalistiques dits nobles que les journalistes de la presse privée, tenus à un rendement plus élevé, ne pouvaient pas toujours se permettre.
Sous Ben Ali, la situation du journal La Presse allait se dégrader pour deux raisons majeures. Tout d'abord parce que le concept de média gouvpublic allait disparaître au profit de média outil de propagande. Mais surtout parce que le système mis en place par les propagandistes de Ben Ali avait cherché à développer et renforcer les médias gouvprivés (2) malléables et corvéables à merci. La politique en matière de distribution des annonces légales pratiquées par l'Atce a été pour beaucoup dans le façonnement et le renforcement de cette presse. Pis encore, l'argent des médias publics allait être détourné au profit de ces médias gouvprivés à la recherche du gain facile et très peu exigeant en matière de professionnalisme et d'éthique. A titre d'exemple l'impression par la Snipe, pendant douze ans, du journal El Arab à 100 millimes l'exemplaire alors que le coût réel s'élevait à 166 millimes (3).
Asservissement des médias publics
Cette clientélisation des médias gouvprivés s'est accompagnée d'un asservissement des médias publics qui devaient conduire à leur mise à mort. La Presse en est un bon exemple, dans la mesure où la faillite annoncée de ce journal, les toutes dernières années du régime Ben Ali, était censée conduire à le privatiser à très bas prix. La révolution était venue mettre fin à ce projet machiavélique et en quelque sorte sauvé le journal La Presse.
Mais le journal est-il aujourd'hui hors danger ? Tout dépend de la nature du rôle qu'il peut jouer en tant que média public et qui, à mon sens, se doit d'être celui de régulateur. Cela dépend aussi du degré d'engagement de ses journalistes et de tout le personnel de la Snipe pour relever le défi d'une presse publique libre, objective et de qualité.
L'autorégulation est aujourd'hui indispensable dans le secteur de la presse écrite comme d'ailleurs dans celui de l'audiovisuel. Le paysage médiatique de l'après-14 janvier connaît un foisonnement sans précédent de la presse privée. Selon le rapport de l'Inric, 228 récepissés ont été délivrés, dont 17 quotidiens. La plupart d'entre eux vivent des problèmes financiers insurmontables alors que certains arrivent à se maintenir souvent grâce à des fonds occultes. Dans l'autre sens, deux journaux sont passés sous la tutelle de l'Etat par la suite de la mise sous séquestre des biens de l'ancienne famille régnante. Il y a tout à penser que la presse écrite de manière particulière et les médias de façon générale se trouvent en cette étape transitoire entre le marteau du politique et l'enclume du capital. D'où le risque est grand de voir l'asservissement des médias au pouvoir politique se muer en asservissement à l'argent. Face à cette situation très menaçante pour une démocratie naissante, les médias publics se doivent de jouer un rôle régulateur en défendant une information objective et de qualité. Médias du peuple et pour le peuple, ils sont appelés à éviter de tomber dans le double écueil du populisme et de l'allégeance au pouvoir.
Société des rédacteurs et conseil de la rédaction
Quant au statut des journalistes dans les médias publics, il a besoin d'être davantage clarifié. Au lendemain du 7 novembre 1987, les journalistes de La Presse avaient caressé le désir de créer une société de rédacteurs. Présenté au président-directeur général pour négociations, le projet a été renvoyé aux calendes grecques. Les exemples de société de rédacteurs ou encore de société de journalistes diffèrent d'un pays démocratique à l'autre. Ils ont en commun de permettre aux journalistes de veiller au respect de la ligne rédactionnelle du journal et de l'éthique professionnelle.
Quant au conseil de rédaction constitué, toujours au lendemain du 7 novembre, dans l'attente de créer la société de rédacteurs, il a été très vite neutralisé, pour, par la suite, être supprimé. L'expérience de la création d'un conseil de la rédaction a été rééditée au lendemain du 14 janvier. Les journalistes de La Presse ont élu en janvier 2012 un conseil qui cherche encore à asseoir des traditions de concertation et de participation. Pourvu que soit consolidée et surtout pérennisée une telle institution !
Pour asseoir une bonne gouvernance la transparence au niveau de la gestion financière et administrative doit être également assurée. Aussi bien le personnel qui y travaille, les lecteurs qui l'achètent et les contribuables qui participent par le biais des entreprises publiques à son capital doivent pouvoir contrôler la Snipe.
Le recrutement et la promotion du personnel et des journalistes doivent répondre à des critères objectifs et sur la base de concours garantissant l'égalité des chances et favorisant les compétences. La restructuration du conseil d'administration et la séparation du poste de directeur de la Snipe et celui du journal serait de nature à assurer une meilleure répartition des compétences. Le directeur de la Snipe pourrait être élu par le conseil d'administration alors que celui du journal choisi sur la base de critères objectifs par un comité de sélection à l'instar de ce qui s'est passé pour le directeur de l'information à la Télévision nationale.
Ces quelques propositions et d'autres devraient être approfondies, afin de permettre à ce média public qu'est le journal La Presse de jouer son rôle de régulateur dans un paysage médiatique divers et diversifié dans lequel se côtoient la presse privée, la presse d'opposition et la presse publique pour défendre l'éthique et assurer la qualité. C'est à une sorte d'autorégulation que le secteur de la presse écrite tout autant que celui de l'audiovisuel doit aboutir loin de toute mainmise du pouvoir quel qu'il soit (politique ou celui de l'argent). Car les dangers qui guettent la démocratie naissante en Tunisie sont multiples et celui de l'argent n'en est pas un des moindres.
*(Universitaire)
___________________________
1- Néologisme créé par l'auteur pour rendre compte de cette catégorie de médias qui était à la fois publics et gouvernementaux.
2- Un autre néologisme pour rendre compte des médias privés et gouvernementaux.
3- Source Rapport de l'Inric délivré le 30 avril 2012.


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