Le Syndicat national des forces de sécurité et l'Union nationale des syndicats des forces de sécurité ont organisé, hier, une marche de protestation à l'avenue Mohamed-V (Place des Droits de l'Homme). Ce mouvement de protestation auquel ont pris part des agents de sécurité, des membres de l'Assemblée nationale constituante et des représentants de la société civile, n'était pas sans charge émotionnelle diffusée par des participants qui se disent «victimes de la nature ambivalente de leur propre métier». Scandant des slogans dans le style «La transition démocratique est tributaire de la réforme de l'appareil sécuritaire», «Il n'est point de République sans un bon appareil sécuritaire», «Toute sorte d'atteinte à l'agent de sécurité est une atteinte à la République», «Incriminer les attaques ciblant le policier», certains agents ont rappelé que le rôle du policier est d'exécuter les ordres de ses supérieurs. C'est pourquoi «il ne faut pas tout lui mettre sur le dos», comme le fait remarquer Jamel Mohamed Ben Nasr de la direction de la sécurité touristique. Ce dernier fait également observer que les agents de sécurité ont été tragiquement opprimés sous le régime du président déchu et le sont encore aujourd'hui. «On n'a plus le droit de nous défendre face aux incessantes attaques et atteintes dont on est la cible. Même la loi n°4 relative aux attroupements et aux manifestations sur la voie publique est beaucoup plus formelle qu'effective. Cela ne fait que handicaper et paralyser l'agent de sécurité et les conséquences sont connues (...). Il ne faut pas perdre de vue que le policier est avant tout un citoyen. Il a des enfants et une famille. Comme tout être humain, il peut tantôt avoir raison, tantôt avoir tort. On est tous pour l'assainissement de l'appareil sécuritaire, mais à condition que ce soit fait sur la base de la transparence et de la justice. Il ne faut pas sacrifier les impuissants pour protéger les influents. L'autorité de tutelle sait bien ce que cela veut dire». Profondément émus, des agents de sécurité se sont exprimés à gorge déployée pointant du doigt «journalistes et responsables politiques qui ont toujours ignoré leur cause». «La réforme de l'appareil sécuritaire devrait primer sur la réforme des appareils médiatique et judiciaire. Cela est primordial dans la construction de la nouvelle République», lancent les uns, «les trois ensemble», rétorquent les autres. Le ton monte ainsi d'un cran. Murmures et ronronnements se font entendre ici et là. De l'autre côté des lieux, des voix féminines s'élèvent sous forme de mélopées. Brandissant les photos de certains «martyrs de la révolution du 14 janvier» et de quelques personnes récemment assassinées, elles s'adressent au ministre de l'Intérieur le suppliant de «rétablir la justice». «Je n'ai plus rien à perdre. Mon mari a perdu son travail, mes enfants n'ont plus de quoi se nourrir. Mes conditions sont pour le moins misérables. Justice à l'agent de sécurité. Je m'adresse à tous les Tunisiens pour leur dire que sans agent de sécurité, ils ne peuvent point vivre en paix. Aidez-nous, on en a marre de cette injustice qui va crescendo», lance la première. «L'agent de sécurité est culpabilisé par tous. N'est-il pas Tunisien comme vous ? N'a-t-il pas des parents et des enfants comme vous ? N'est-il pas au service de sa patrie quand il travaille ? Pourquoi toute cette ingratitude face à un citoyen qui endure canicule et froid pour vous protéger là où vous êtes ? J'ai perdu un frère qui a toujours œuvré pour le bien de son pays, mais là je pense également à tous ceux qui ont payé et qui payent encore les conséquences d'un choix, le choix d'être policier. A quand une société civile consciente des sacrifices de cet agent de sécurité toujours malmené et infiniment humilié ?», s'interroge la deuxième.