Révoltées contre l'esclavage et ceux qui excellent dans l'art d'ignorer les pauvres, mais aussi, parce qu'elles ont plus que jamais la certitude qu'elles traient les vaches et ne boivent pas de leur lait, des centaines de femmes ouvrières, exerçant dans le secteur du textile ont entrepris, hier, un sit-in sur la route desservant Ksar Saïd et Tunis. Plus précisément, au niveau de la zone industrielle. Ces femmes militantes qui œuvrent quotidiennement, sans relâche, pendant 12 heures avec un seul jour de repos par semaine, pensent que leurs employeurs les exploitent à fond en leur jetant des miettes alors qu'ils font fortune grâce à leur labeur. C'est hier qu'elles se sont exprimées à gorge déployée, revendiquant certains droits. « En contrepartie de 12 heures de travail quotidiennement, sans compter les heures supplémentaires, on nous paye 300 dinars par mois. De quelle justice sociale parle-t-on ? Ils nous exploitent au vu et au su de tous. On n'arrive pas à assouvir nos besoins élémentaires avec les miettes qu'on nous jette », égrène une ouvrière ayant tenu à garder l'anonymat. Le feu a longtemps couvé sous a cendre, paraît-il. La charge émotionnelle dégagée par les protestataires en serait la preuve. « Cela fait 16 ans que je travaille à l'usine de textile ici. On m'a toujours exploitée. Alors que les constituants revendiquent l'amélioration de leurs salaires déjà gonflés, nous n'arrivons pas à assouvir les besoins de nos enfants, étant très mal payées. Occupez-vous un peu de nous, n'oubliez pas les pauvres et les classes sociales démunies. Voilà mon message au gouvernement en place », enchaîne cette protestataire, très remontée. A la rémunération très insatisfaisante des ouvrières, s'ajoutent des prestations sociales loin de répondre à leurs attentes. « Nous sommes traitées comme des bêtes. Le médecin nous rend visite rarement. Les heures supplémentaires travaillées aux dépens de nos familles ne sont pas payées. Pire, il nous arrive souvent de terminer tard le travail. Au lieu de nous accompagner pour rentrer chez-nous, on nous livre à nous-mêmes. C'est inhumain. Cela me pousse également à m'interroger : le temps de l'esclavage est-il vraiment révolu?», s'exclame cette jeune voilée qui a à sa charge toute sa famille.