Par Soufiane BEN FARHAT La semaine écoulée a été décisive. Pouvoir et opposition y ont campé des positions tranchées. D'un côté, M. Hamadi Jebali a tenu sa première conférence périodique à l'endroit de l'opinion. Il y a dressé un bilan positif de la situation économique et sociale, avec, en prime, un optimisme semé à tout vent. D'autre part, une frange de l'opposition a entonné son nouveau slogan, exigeant la formation d'un gouvernement de sauvetage national. Ici et là, bien évidemment, on se situe aux antipodes l'un de l'autre. Et c'est de bonne guerre, dirions-nous. Or, à bien y voir, ce n'est pas si évident. Entre l'optimisme appuyé et l'exigence de dissolution du gouvernement, il y a deux mondes. On dirait que les protagonistes vivent dans deux galaxies différentes. Et qu'en est-il en fait ? Pour la Troïka gouvernementale, après les difficultés conjoncturelles, le pic de la crise et les blocages, le bout du tunnel se profile. La loi de finances complémentaire autorise les investissements économiques. Et ces derniers sont garants d'un cercle vertueux à court terme. Bref, le plus dur est passé. Pour les ténors du Parti républicain, le verre est plutôt à moitié vide et on va droit dans le mur. Seul le gouvernement de sauvetage national constituerait la panacée. Autrement, bonjour les dégâts. C'est plutôt le cercle vicieux qui est escompté. La grille de lecture contradictoire recèle des griefs manifestes. L'opposition accuse le gouvernement d'entêtement, voire d'accaparement sordide des rouages du pouvoir, au prix de la faillite si besoin est. De son côté, l'establishment accuse l'opposition du délit d'opportunisme. A l'en croire, il y a peu, l'opposition soutenait l'actuel gouvernement à toute épreuve, malgré les critiques. Mais sitôt les fruits de la croissance escomptés à brève échéance, la même opposition voudrait être à la barre et s'en approprier les privilèges aux yeux de l'opinion. Le débat est ainsi campé. En vérité, la véracité de l'attitude des uns ou des autres est difficile à quantifier. On est, d'une certaine manière, en plein registre spéculatif. La croissance est généralement de l'ordre du constat a posteriori. Et il arrive souvent, en temps de crise, que les données les plus généreuses tournent au marasme. Tout comme des sorties de crise inespérées se font jour. A l'échelle d'un pays comme le nôtre, cela dépend parfois d'une bonne récolte et de bonnes rentrées en devises issues du tourisme. Et puis, notre économie est on ne peut plus extravertie, dépendant des aléas d'une conjoncture internationale plus ou moins favorable. Suffit-il de quelque augmentation sensible des cours internationaux du pétrole pour que la donne change localement de fond en comble. L'économie rigoureuse du vrai et du faux dépend de la conjoncture. Celle-ci est fluctuante et aléatoire, eu égard à notre arrimage forcé à l'économie-monde. Mais c'est aussi en touchant préalablement le fond qu'on peut rebondir de plus belle. Mais l'enjeu dépasse les seules prévisions économiques. C'est plutôt un enjeu de pouvoir. Ceux qui sont à la barre estiment qu'il est temps de ramasser les dividendes du cercle économique vertueux escompté. L'opposition, elle, s'apprête à glaner les contrecoups d'une faillite à laquelle elle croit dur comme fer. En fin de compte, c'est une question d'appréciation aussi. Et celle-ci est subjective. Outrancièrement sous nos cieux, tellement les évidences ne s'imposent pas comme telles à tous les protagonistes. Toujours cette dialectique tordue du verre à moitié vide ou à moitié plein. On n'est pas sorti de l'auberge de la discorde.