Par Jawhar CHATTY La demande d'un renouveau politique n'est, étrangement, formulée nulle part. En dehors de certains conglomérats politiques, c'est le dernier des soucis du Tunisien « moyen ». Du moins pas pour aujourd'hui et maintenant. Le constat peut choquer. La réalité se passe des discours et des penchants puristes ! L'urgence de la relance de l'économie, les soucis du quotidien des Tunisiens restent en effet étrangement absents du discours encore flou d'une «opposition conciliatrice» et, qui plus est, en devenir. Certains discours politiques semblent à ce point se détacher de la réalité immédiate, qu'ils courent le risque d'être doublés et dépassés par les évènements quand viendra le jour de l'alternance politique. Le risque d'être doublé ce jour-là par tous ceux qui avaient eu le souci constant de la proximité et du quotidien. Rassembleur, ouvert même à ses contradicteurs et ratissant vraiment large, l'« Appel de la Tunisie » de Béji Caïd Essebsi a, sur le plan politique, le mérite de la clarté : seul le consensus est légitime. Ce qu'on peut tout au plus et pour l'instant lui reprocher, c'est d'avoir manqué d'adjoindre à cet appel, même en note annexe, un programme d'action à court terme qui serait à même de suggérer des réponses aux plus urgentes attentes sociales et aux exigences de la relance de l'économie nationale. Le principal souci du petit peuple est aujourd'hui foncièrement économique. Il concerne les composantes vitales de son existant et de sa dignité : l'emploi et le pouvoir d'achat. Quant au monde qui est supposé nous scruter du regard comme si la Tunisie était devenue le centre du monde, la seule attente est là encore foncièrement d'ordre économique: les investisseurs étrangers feront toujours la moue aussi longtemps qu'ils ne trouveront pas leur compte à venir investir en Tunisie ! La demande d'un renouveau politique n'est étrangement formulée nulle part. Du moins pas pour aujourd'hui et maintenant. Le gouvernement semble en être conscient. Il focalise pour l'instant une large part de son attention sur les dossiers sociaux et économiques. Il a les contraintes du pouvoir sans en avoir les privilèges ! Et, il faudrait bien avoir l'honnêteté de le reconnaître, il fait au mieux de ce qu'il est aujourd'hui en mesure de faire ! Et s'il a une certaine marge de le faire, c'est à son aile modérée et pragmatique qu'il revient incontestablement le mérite. Une aile modérée dont le chef de file est Hamadi Jebali, le chef du gouvernement en personne. Et ce n'est pas peu. Dépassées les difficultés conjoncturelles du moment, cela pourrait potentiellement être un atout et le meilleur ticket d'entrée dans la compétition politique de demain. Que restera-t-il dès lors aux partis concurrents ? Et en particulier au « premier » parti politique aujourd'hui en devenir ? Celui-ci est d'ores et déjà, on l'imagine, parti à la conquête ou à la reconquête du large prisme qu'offrent les couches sociales, à la conquête de la Tunisie profonde. Mais comment se différencier par rapport à un puissant concurrent ? Quel positionnement choisir alors même que toutes les niches d'attentes sociales auraient entre-temps été occupées ?! Préparer l'alternative, ce n'est pas seulement des discours rassembleurs, c'est aussi avoir le souci du très court terme, une vision et une action infatigable sur le moyen terme. Une alternative n'a de sens et de valeur que si elle sait être porteuse d'une réelle plus-value sociale et économique pour le pays et pour le petit peuple. Pour l'instant, le petit peuple semble avoir affaire avec de vrais-faux jumeaux de la politique. A terme, il saura sans doute faire la différence.