Mashrou3 Leïla est né comme le projet d'une nuit, d'où l'appellation du groupe libanais. Depuis cette nuit survenue en 2008 et qui avait objet la conception d'un spectacle à l'école d'architecture où ses membres étaient étudiants — d'autres spectacles se sont succédé, avec des chansons signées par le groupe, et le succès était au rendez-vous, dans leurs pays comme ailleurs. Et c'est à Carthage, pour Mousiqa wassalem, qu'ils ont joué mardi dernier, devant une foule de jeunes qui n'attendaient qu'eux. Hamed Sinno, Ibrahim Badr, Carl Georges, Haig Papazian, Omaya Malaeb, André Chedid et Firas Abou Fakher, font de la batterie, des guitares, de la basse, du violon, du synthétiseur et du chant le support d'un genre auquel ils se refusent de coller une étiquette, sans doute pour affirmer cet air détaché qui les démarque de toute une scène musicale émergente au Liban. Déjà qu'ils sont un groupe, ce qui est un phénomène rare et difficile à entretenir. Leur particularité est dans le son rock de leurs compositions, même pour les ballades, avec des paroles qui n'ont pas froid aux yeux, qu'ils s'agisse d'amour ou de société. A Mousiqa wassalem, dès les premiers titres, le public a pu savourer la version live de ce qu'ils ont découvert dans les clips vidéos du groupe, qui circulent sur Internet. C'est surtout le charisme du chanteur qui a pu maintenir la cadence, malgré quelques impuretés dans le son, ici et là. Leur prestation colorée et ponctuée d'une myriade de mélodies a emporté l'audience de l'esplanade du musée de Carthage. Tantôt posant la voix sur un bruit de fond enregistré sur un magnétophone, tantôt chantant dans un mégaphone à la place du micro, le public a eu droit à la découverte d'un autre style de jeu. Aucun des titres qui ont fait le succès des Mashrou3 Leïla n'a été épargné, qu'ils proviennent de leur premier album éponyme, sorti en 2009, ou de leur deuxième, El Hal Romancy, paru en 2011. La soirée a pris la forme d'un va-et-vient entre les deux, avec, entre autres, Imm El Jacket, Fasateen, Ya abdo, El Hal Romancy, Ala babo, Habibi, Im-Bim-Billilah, Ghadan yaoumon afdhal, reprise de la chanson Clint Eastwood des Gorillaz et Raksit Leïla. Une quinzaine de titres au total ont meublé cette soirée du 19 juin, l'avant dernière de Mousiqa wassalem. Et c'était sans doute un véritable plus pour les fans tunisiens du groupe que de les découvrir sur scène, rien que pour juger leur performance sans effets et sans enregistrements. En tout cas, la formule qui semble les avoir séduite en premier lieu a été bien présente pendant le concert : une musique véhiculée avec passion et des paroles qui ressemblent à tous les jeunes, et qui s'adressent aux Arabes parmi eux dans leur langue. Le tout donne un projet alternatif à ce qu'on appelle la chanson arabe moderne, qui va jusqu'à une image différente dans les vidéos-clips et dans la manière de se présenter au public, en tant que produit. Tout simplement, mousiqa wassalem !