L'éducation des pairs prouve son efficacité en tant qu'approche favorisant la communication de proximité Le projet «Echange d'information sur la santé sexuelle et reproductive et les droits des jeunes malvoyants en Tunisie», dont la mise en place date de 2006, a pris fin en 2009. Ce projet, élaboré par l'Association tunisienne de la santé de la reproduction avec l'appui du Fonds de l'innovation de la Fédération internationale du planning familial et en collaboration avec l'Union nationale des aveugles de Tunisie, le ministère de l'Education et le ministère de la Santé publique, a pour finalité d'établir la communication avec les jeunes non et malvoyants quant au thème de la sexualité et de la reproduction. Il s'agit, en effet, de briser le silence dans lequel se recroquevillent les jeunes non-voyants, inhibant par eux-mêmes mais aussi avec la contribution de leur environnement socioculturel une part naturellement importante de leur être qu'est la sexualité. Aussi insensé que cela puisse l'être, la société a souvent tendance à exclure le droit à la vie sexuelle et conjugale chez les personnes à besoins spécifiques, comme si le désir pourrait être castré par un handicap. Voués qu'ils soient au silence, privés d'une information et d'une éducation sexuelle et reproductive, les jeunes non -voyants ignorent jusqu'aux risques qu'ils peuvent encourir faute de précaution. C'est à partir de cette réalité que le projet «Echange d'information sur la santé sexuelle et reproductive et les droits des jeunes malvoyants en Tunisie» a été conçu. Il s'agit d'un projet interactif, impliquant aussi bien un échantillon de jeunes non-voyants représentatif des différentes régions, mais aussi les éducateurs pairs et les sages-femmes. Il compte des actions d'information portant sur les questions sexuelles et reproductives, des actions de sensibilisation quant à l'importance de la communication sur les risques des rapports non protégés, les maladies sexuellement transmissibles, les moyens contraceptifs, ainsi que l'orientation de cette population cible vers les centres de services appropriés. Oser briser le silence A la suite donc de la réalisation de ce projet, une évaluation a été faite, permettant ainsi de prendre connaissance des principaux résultats de ce projet-étude. En effet, grâce à ce projet, les jeunes non-voyants qu'ils soient jeunes filles ou jeunes hommes ont réussi à dépasser l'embarras de traiter un sujet jusque-là tabou; chose qui n'est pas évidente, pour certaines catégories de la population et certaines régions du pays. Le recours à l'éducation par le pair se présente comme une approche intéressante et efficace, parce qu'elle favorise la communication de proximité et permet aux jeunes de parler plus librement d'un thème délicat car intime. «Avant de participer, je n'avais aucune idée sur la santé de la reproduction. J'ai eu peur de cette expérience. Mais après avoir participé à la formation, j'ai amélioré et approfondi mes connaissances sur la santé sexuelle et de la reproduction», déclare un jeune de Sidi Thabet. Bénéfique pour les jeunes interviewés, le projet était également d'un grand apport pour les intervenants, notamment les éducateurs pairs et les sages-femmes qui ont pu vaincre l'embarras des jeunes et les faire sortir de l'isolement. L'étude qualitative du projet s'achève sur une série de recommandations. Il convient, en effet, pour assurer la pérennité des résultats, de veiller sur la documentation de cette étude afin qu'elle soit prise comme un support de référence tant auprès des institutions nationales que celles internationales. Une composante de l'éducation générale Vu les résultats enregistrés, qui montrent à la fois le manque d'accès des jeunes non-voyants à l'information sexuelle et reproductive et la pertinence d'une telle approche de communication de proximité pour briser le silence et garantir à cette population cible son droit à l'information, il s'avère indispensable de «mettre en place un plan de plaidoyer pour un environnement institutionnel et socioculturel favorable à l'accès des jeunes malvoyants à l'information sur la santé sexuelle et de la reproduction», d'où l'importance d'inciter les bailleurs de fonds à consolider aussi bien financièrement que techniquement les actions menées dans ce sens. Par ailleurs, la création d'un réseau spécialisé, regroupant tous les actants professionnels soient-ils ou bénévoles pour multiplier de pareilles actions, serait d'une grande utilité. Autre recommandation fort importante: l'introduction de l'éducation de la santé sexuelle et reproductive adressée aux jeunes non-voyants dans les centres de formation professionnelle. Aussi, l'éducation sexuelle prendra-t-elle une plus grande ampleur et sera assurée d'une manière plus efficiente car continue. Elle ne peut, cependant, l'être sans une formation continue des éducateurs pairs-mêmes afin que ces derniers soient au diapason des thèmes d'actualité y référant et donc parfaitement capables de diffuser l'information. Dans une approche encore plus prometteuse et plus globale, l'éducation sexuelle et reproductive ne devrait plus être soustraite de l'éducation générale que reçoivent les jeunes au sein de leurs environnements familiaux et socioculturels. Rappelons que c'est bien ce déficit de la communication entre le jeune et sa famille sur ce point qui a favorisé l'isolement de l'individu et écarté son droit à l'information et à l'expression. L'option pour une éducation sexuelle intégrée en direction des jeunes malvoyants se présente comme une priorité. Elle «s'inscrit dans une volonté de continuité avec les principes fondateurs de l'éducation soit: écouter, orienter, soutenir et témoigner. L'effort sera axé sur l'acquisition des compétences qui aident le jeune malvoyant à faire face, jour après jour, aux défis de la vie».