Dans un dialogue du sculpteur avec la matière, l'artiste sicilien modèle l'argile, crée des têtes et leur donne l'identité recherchée Mariano Brusca est depuis jeudi dernier l'hôte de la Maison des arts du Belvédère. Présent avec 35 œuvres en terre cuite de Guellala, le sculpteur qui a déjà exposé l'année dernière à Dar Bach Hamba, Casa Sicilia pour plus de précision, s'affirme, aujourd'hui, comme une véritable autorité dans le paysage artistique italien. Renonçant aux mosaïques des fragments provenant de l'Etna, utilisées comme motifs architecturaux, renonçant également aux bronzes parfois oxydés, aux aquarelles et à la sculpture classique inspirée de la Grèce antique et de l'iconographie religieuse, son come-back s'est effectué avec une production fondamentalement différente de ses anciennes sculptures. Des œuvres créées à Djerba, dans une espèce d'argile peu raffinée, toute en impuretés, dans de vieux fours qui datent de l'Antiquité. Il lui a fallu un long travail de préparation entamé depuis des mois qui l'a contraint à faire la navette entre Palerme et Djerba afin de mener à bien et à terme cette magnifique aventure vécue dans une île de rêve, riche en histoire et, par certains côtés, non encore dénaturée par les nouvelles technologies. Les techniques archaïques des fours l'attestent. De même, le procédé d'extraction de l'argile qui se fait à partir de carrières dépassant souvent huit mètres de profondeur. Le public, venu nombreux au vernissage, a visiblement manifesté un intérêt certain aux grands vases en terre cuite aux larges ouvertures, aux vases en argile, aux amphores semblables aux jarres, fabriquées en Tunisie à partir du Ier siècle de l'ère chrétienne et qui servaient pour transporter l'huile d'olive et le blé jusqu'à Rome. Les grandes sculptures, pouvant atteindre un mètre de hauteur, à tête humaine et en terre cuite, des effigies en polychrome, des formes obèses, plusieurs sortes de variations débordantes autour d'un même thème, d'inspiration moderne, mais enrichi d'influences diverses. D'autres grandes sculptures filiformes, à fond plat avec bord arrondi, au cou menu et aux épaules marquées, deviennent des sarcophages et des totems, ou encore des récipients pouvant contenir des liquides, des essences et des huiles parfumées. Des formes bien moulées, des récipients courbés et arrondis, presque des tirelires, exécutées dans une matière noble et dans des nuances de couleurs qui trahissent la position de la sculpture par rapport aux flammes. Ce sera au feu et à son intensité à l'intérieur du four de déterminer la puissance et la force de la coloration, qui peut varier des teintes timides et pâles, proches du blanc, aux teintes vigoureuses couleur rouge brique. Les sculptures de Mariano Brusca ont cette force d'âme qui leur donne du caractère et qui exprime toute la complexité de l'œuvre. A.L. –––––––––––––––– «Terre mémoire» de Mariano Brusca se poursuivra à la Maison des arts au Belvédère jusqu'au 22 mai.