Après délibération, le verdict, tant attendu, du procès des martyrs et blessés de la révolution du Grand-Tunis et des cinq autres gouvernorats, à savoir Zaghouan, Sousse, Nabeul, Bizerte et Monastir, est tombé hier. Les faits annoncent 43 accusés impliqués dans des homicides volontaires ou dans des tentatives de meurtre à l'encontre des 43 martyrs et des 96 blessés concernés par ce procès. Le tribunal militaire permanent de Tunis condamne, ainsi, le président déchu Ben Ali à perpétuité. L'ancien chef de la sécurité présidentielle, Ali Sériati, quant à lui, écope d'une peine de 20 ans de prison. L'ancien ministre de l'Intérieur, Rafik Haj Kacem, est condamné à 15 ans de prison, tandis que l'ancien cadre du ministère de l'Intérieur, Jalel Boudriga, l'ancien responsable et haut cadre du ministère de l'Intérieur, Lotfi Zouaoui, Adel Touiri et le responsable de la Garde nationale, Mohamed Amine El Abdi, sont condamnés à 10 ans de prison. Ce sont surtout les non-lieux prononcés en faveur de Charfeddine Zitoun, Rachid Abid, Mohamed Arbi Krimi et l'ex-ministre de l'Intérieur, Ahmed Friaâ, qui ont provoqué l'ire de la salle composée, entre autres, des familles des victimes qui ont déclaré haut et fort leur mécontentement et leur indignation. Certains ont même crié à la vendetta. Et c'est sous les cris et les déchirants pleurs des mères et autres proches des martyrs que le président de la cour a quitté la salle après avoir annoncé ce qui suit: – Les non-lieux : Oussama Echadli, Hichem El Majri, Ali El Harrak, Noureddine El Hamrouni, Khemaïes El Mathlouthi, Habib El Ayachi, Ahmed Echihi, Majdi Echayeb, Nabil Jebali, Mohamed Mrad, Wissam Madyouni, Habib El Hamrouni, Slaheddine El Béji, Mohamed Charfeddine Zitoun, Mohamed Aabi Krimi, Echadli Essahli, Rachid Ben Abid, Ali Ben Mansour et Ahmed Friaâ. – Les peines de prison : 10 ans d'emprisonnement pour Jalel Boudriga, Lotfi Zouaoui, Adel Touiri et Mohamed Amine El Abed. 20 ans pour Ali Sériati, Naceur Ajmi et Abdel Karim Ben Ismaïl. 15 ans pour Rafik Haj Kacem. 12 ans pour Abdel Basset Mabrouk et 5 ans pour Ghazi Ben Thabet Mourad Riahi (affaire de Slimane), Naceur Ben Amer, Mongi Zouari, Salah Tej, Habib Trabelsi, Abdelhamid El Gharbi, Tarek Rouissi, Lotfi El Khmiri et Adel Hamdi. Pour cause de complications dans l'identification des vrais coupables des meurtres des martyrs du Kram et de Ras Jebal, ce verdict n'implique pas tous les protagonistes et révèle, respectivement, un non-lieu pour Mohamed El Aïd Boughdiri et 5 ans pour Naceur Ben Amer. «Les condamnations sont lourdes pour les complices et pas assez pour ceux qui ont directement commis les meurtres et encore moins pour les commanditaires», nous déclare l'avocate Leïla Hadded, et d'ajouter : «Le verdict ne rend pas justice aux martyrs». Lotfi Ben Mahmoud, le frère du martyr Montassar Ben Mahmoud (Kram), crie au complot : «C'est révoltant que le meurtrier de mon frère Boughdiri jouisse d'un non-lieu! Nous avons fourni des preuves photographiques et filmées ainsi que des balles au tribunal et pas une seule fois cela n'a été pris en considération». Dans l'autre camp, Mohamed El Mejri, l'avocat de Sériati, a qualifié le procès de mascarade rappelant que pour les mêmes chefs d'inculpation dans l'affaire du Kef, son client a obtenu un non-lieu. D'un autre côté, M. Safraoui, un autre avocat des familles des martyrs et des blessés de la révolution a reproché au tribunal militaire de ne pas avoir étudié sérieusement leurs demandes d'accès aux registres et autres enregistrements téléphoniques. «Pour le moment, nous n'avons pas tous les détails pour pouvoir nous prononcer objectivement sur la concordance des faits et des peines. Mais la véritable faille réside dans le fait de vouloir boucler rapidement ce dossier, dans l'absence de vrais efforts pour connaître la vérité et dans le sérieux manque de volonté politique dans ce sens». Il reprend en faisant une analogie avec les procès du Kef et de Sfax qui, selon lui, n'ont abouti qu'à des indemnisations dans l'espoir de faire taire les cris d'indignation. Il conclut en affirmant que tout ce que ses clients demandent et avec eux l'opinion publique c'est de connaître la vérité, cela va de la réussite de notre transition démocratique et de notre révolution.