BANGKOK (Reuters) — L'armée thaïlandaise a annoncé qu'elle était prête à recourir à la force pour déloger les milliers de manifestants antigouvernementaux qui campent depuis cinq semaines dans le centre de la capitale en exigeant du Premier ministre, Abhisit Vejjajiva, des élections anticipées. Après avoir envisagé un temps de couper l'électricité, d'interrompre l'approvisionnement en vivres et de fermer les points d'accès au quartier commerçant occupé par les manifestants, les autorités y ont renoncé pour ne pas pénaliser les habitants. "En ce qui concerne la coupure d'électricité et d'approvisionnement en eau, nous avons estimé que les manifestants seraient moins affectés que les habitants, donc nous avons reporté cette mesure", a déclaré le porte-parole de l'armée Sansern Kaewkamnerd. Le gouvernement thaïlandais est confronté à un dilemme sur la manière de déloger les milliers de manifestants, dont des femmes et des enfants, qui se sont retranchés derrière des barricades faites de pneus et de bambous sur un périmètre d'environ trois kilomètres carrés dans le principal quartier commerçant de Bangkok. Couper l'approvisionnement en eau et nourriture constitue un immense défi logistique dans cette zone très touristique qui abrite de nombreux hôtels, ambassades, entreprises et deux hôpitaux publics. "Si la contestation ne cesse pas, nous devrons avoir pleinement recours à la loi, ce qui peut impliquer l'usage de la force pour récupérer ce quartier", a précisé le porte-parole de l'armée. Cette mise en garde a provoqué une réaction immédiate de la part des partisans de l'ancien chef du gouvernement Thaksin Shinawatra, qui, ont annoncé ne pas avoir l'intention de cesser leur mouvement. "Nous mourrons ici si nous le devons. Votre menace n'aura aucun effet", a indiqué l'un des responsables du mouvement, Nattawut Saikua. Economie sous pression Le durcissement de ton du gouvernement fait suite à la présentation du plan de paix proposé la semaine dernière par le Premier ministre pour débloquer une situation de crise qui a fait 29 morts, paralysé la capitale et ralenti la croissance de la seconde économie d'Asie du Sud-Est. Les pourparlers entamés pour sortir de la crise sont suspendus et la tenue d'élections législatives en novembre prochain est annulée, a déclaré hier le secrétaire général du Premier ministre, Korbsak Sabhavasu. Abhisit avait proposé aux opposants un calendrier prévoyant la dissolution du Parlement en septembre et l'organisation d'élections législatives le 14 novembre, soit un an avant la date prévue. Les manifestants, pour la plupart partisans de Thaksin Shinawatra renversé par un coup d'Etat en 2006, ont accepté ce calendrier mais ont posé d'autres conditions. Ils exigent notamment que le vice-Premier ministre, Suthep Thaugsuban, accusé d'être responsable des affrontements violents ayant fait 25 morts le 10 avril, se rende à la police. Selon le ministre thaïlandais des Finances, la crise pourrait faire reculer de 0,3% le PIB du pays dont la croissance devrait atteindre cette année, selon les prévisions, entre 4,5 et 5%.