La nature a mis un secret dans les voix des Noirs. Heureusement qu'ils ont décidé, il y a bien longtemps déjà, de le révéler, à travers le blues, le jazz, le gospel et la soul. La native de la Nouvelle-Orléans, Nicole Slack Jones, s'inscrit dans la lignée des révélateurs. Elle est encore à ses débuts, mais elle chante avec une aisance extraordinaire. Les légendes qui l'ont précédée, selon ses dires, ont préparé le terrain pour elle et ses semblables, et sans eux, elle n'aurait pu faire ce qu'elle sait faire le mieux : chanter. Avec un troisième concert en Tunisie, jeudi dernier, au festival international de Hammamet, elle est devenue, désormais, une habituée de notre public. Son concert a commencé avec un retard injustifié qui a rappelé certaines anciennes mauvaises habitudes. Les organisateurs attendaient, en effet, l'arrivée du ministre des Affaires étrangères, Rafik Abdessalem, accompagné du membre de l'Assemblée constituante Ameur Laâridh, mais leur venue s'est avérée être un passage éclair. Quant à Slack Jones, elle a annoncé la couleur dès le début, en lançant «Are you ready to party?» (êtes-vous prêts à faire la fête?). Elle s'est rapidement imposée auprès de l'audience avec deux principaux atouts: sa voix divine et son énergie. Infatigable, sans en faire trop, elle ne se lasse pas de demander au public d'applaudir, de chanter et de danser, et ça marche à chaque fois. Elle donne ainsi l'impression de chanter pour chacun des présents. Elle est vraiment soucieuse du bien-être de son public. «La petite reine de la soul» ou encore «La fille spirituelle d'Aretha Franklin» sont parmi les surnoms de Nicole Slack Jones. Pourtant, avec un seul album à son actif, Back to roots, sorti en 2008, elle est encore loin d'être une Aretha Franklin ou une Etta James, mais peut-être en passe de le devenir. Une chose est sûre : elle est très attachée à la musique de ses origines et aux racines du blues. Son programme de la soirée était d'ailleurs axé sur ce répertoire, et parmi la quinzaine de chansons qu'elle a interprétées, seules deux lui appartiennent. La dernière partie du concert était tournée vers les hommages: à Whitney Houston avec I'm saving all my love for you, Peggy Lee avec You give me fever et James Brown avec I feel good. En rappel, la chanteuse a replongé dans le thème de son enfance, le gospel, avec Oh happy day, avant d'interpréter, à la demande du public, I will survive de Gloria Gaynor. Elle affiche ainsi clairement son appartenance à la grande famille de la soul, où les reprises des chansons des uns et des autres sont une tradition. Nicole Slack Jones n'en a pas fini avec les défis. Après avoir bataillé pour passer du gospel à la chanson non religieuse — interdite dans sa famille —, elle se doit maintenant de faire ses preuves et de se bâtir une carrière solide. Elle a déjà une voix exceptionnelle, et la capacité de faire d'un minimum d'instruments — elle était accompagnée par un piano, une guitare basse et une batterie — un habillage simple et élégant pour sa voix. Elle semble également avoir le flair pour choisir son équipe, qu'elle soit artistique ou technique. Nicole Slack Jones est très bien partie pour devenir une diva. Elle n'attendra pas 10 ans.