Ce n'était pas étonnant que le patio du palais El Abdellia soit bondé samedi soir, ils sont venus nombreux apprécier la voix suave de la chanteuse, auteure compositeur. Badia Bouhrizi alias Neyssatou est une artiste qui porte bien son label underground. Après des débuts dans des groupes rock et metal, elle a très vite évolué sur des scènes européennes, et contrairement à d'autres, l'engagement de Badia Bouhrizi est réel, sa voix a porté le cri des révoltes du bassin minier, la détresse d'une société, des gens en quête d'idéal. Ses titres se partageaient sur la toile, des titres inoubliables tels Kama kala abi ou encore Bladi circulaient comme des tracts portant au fond d'eux une parole libre, blessée mais combative et déterminée. Icône du monde virtuel, Badia est pourtant réelle, ses mots et sa musique le sont aussi. Un univers roots, des airs mélodiques, du groove et la vibration de la voix. En somme, Badia c'est des sonorités pures qui viennent du cœur et d'une sensibilité que beaucoup d'artistes n'ont pas. Badia a présenté à son public du samedi soir son nouveau spectacle baptisé Anoujad, titre éponyme de l'un de ses derniers morceaux. Artiste minimaliste, elle s'éloigne de plus en plus des sonorités recherchées, des compos laborieuses et se limite à quelques instruments qui tissent son univers, et des compagnons de route qui lui communiquent l'énergie qu'il lui faut : Malek Ben Halim alias «Paco» à la percussion, Tareq Maaroufi à la batterie, Mourad Majoul à la guitare et Zakat Touré à la basse, et elle, comme toujours, à la guitare et au chant. Avec Labess, Ila Salma, Haw Galou Blues, Anoujad et d'autres titres nouveaux, Badia revisite son répertoire et présente ses nouvelles créations, comme pour marquer une nouvelle phase dans son parcours qu'elle définit comme un passage de l'art de la libération vers l'art libre. Tantôt ironiques, tantôt mélancoliques, les textes critiques que Badia écrit et interprète épousent bien la forme musicale qu'elle leur donne ; un métissage entre traditions, reggae, blues afro et groove, une sorte de cocktail sonore absolument remarquable. Dommage que la soirée ait été gâchée par de nombreuses interruptions causées par les défaillances sonores, cela a empêché notre artiste de s'épanouir sur scène et d'offrir du plaisir à son public. Il aurait été souhaitable que la direction de l'espace accorde plus d'intérêt aux artistes et respecte un peu mieux le public présent.