Les événements survenus sous nos cieux et le couvre feu, pas vraiment approprié en cette période estivale (il n'est pas efficace, d'ailleurs) n'ont pas eu le dessus sur ce nouveau venu dans la scène musicale tunisienne, dédié à la scène underground. Nous avons nommé les 1ères Rencontres internationales de musique alternative de Carthage, baptisées «Mousiqa wa salam» (Musique et paix) et organisées par le ministère de la Culture, avec le concours d'Akacia Production. Une manifestation espérée et attendue par les jeunes mélomanes et autre public féru de nouvelles alternatives musicales, de nouveaux sons qui viendraient faire, au moins, l'équilibre avec les produits musicaux digests, voir sublimés que mettent en avant les mass médias... En tout cas, on a eu chaud, jeudi dernier. On a surtout craint que cette toute nouvelle manifestation ne soit annulée pour les raisons évoquées plus haut, mais heureusement, l'organisation a su rattraper le coup, en avançant les horaires, soutenus par la compréhension et les solidarité des artistes participants. Le concert de l'ouverture s'est, donc, tenu et comme prévu, avant-hier, jeudi, à l'esplanade du Musée de Carthage, mais à 18h30 au lieu de 19h30. Au programme deux voix féminines, la Tunisienne Badiaâ Bouhrizi (alias Neyssatou), que l'on ne présente plus et la Libanaise Yasmine Hamdan. «Plus qu'une manifestation, “Mousiquat wa salem” est un collectif, ou plutôt un mouvement axé sur des visions et des productions jeunes. Les populations arabes sont composées en majorité de jeunes, ces mêmes jeunes qui ont conduit les révolutions et qui comptent se faire entendre», lance Badiaâ en entrant sur scène. Et d'ajouter : «Ne laissez pas tomber vos rêves, chantez, éclatez-vous avec Mousiqa wa salem», avant d'interpréter son premier morceau Labes. Elle a choisi pour ce concert un unique partenaire, Zied Meddeb Hamrouni, alias Shinigami San, un vieil ami, connu sur la scène électro tunisienne qui l'accompagne aux machines dans une sorte de dialogue electro-acoustique. L'intervention de ce dernier se fait discrète au début, avec quelques bruitages émis ça et là cédant la place à la guitare de son amie qui nous conduit doucement, avec sa voix et sa palabre de morceau en morceau. «Le dictateur est tombé mais pas la dictature... les balles des snipers rêvent de nos éternels cœurs... Apeurés et errants, ils doutent de tout... Ils semblent être tels les serfs d'une époque non révolue...», chante Badiaâ, accompagnée par un public composé, essentiellement, d'amis et d'habitués. Le morceau Salem qui vient adoucir un peu les âmes, après les lourdes réalités des titres précédents, donne le passage à la deuxième partie du concert, dominée par la réplique électro de Shinigami San. Des sonorités qui accompagnent, entre autres, la performance-rap de Khaled, le frère de la jeune interprète qui la rejoint sur scène pour interpréter en duo Assr (prison), un morceau hommage à la liberté et qui pointe du doigt les défaillance du système carcéral tunisien. La scène est ensuite cédée à Yasmine Hamdane. On l'a connue chanteuse du groupe pionnier de la scène underground arabe «Soapkills» qu'elle a fondée en 1998 avec le talentueux Zied Hamdane. Depuis, elle vole en solo, en collaboration avec Mirwaïs Ahmadzaï, producteur de musique électronique et, notamment, compositeur de l'album Music de Madonna, qu'elle a rencontré en 2005 et qui donne naissance en 2009, à l'album Arabology. Avec sa voix vaporeuse et sa gestuelle voluptueuse qui font son charme, elle nous interprète, entre autres, l'exceptionnel morceau Beïrut. Accompagnée de Marc Collin aux key boards, un percussionniste, un bassiste et une batteuse, la belle Libanaise conduit l'audience, qui la rejoint devant la scène, vers des sons électro mélancoliques empreints de rythmes orientaux. Un voyage sensuel fait de découvertes, celles des morceaux de son dernier album, qui porte son nom, fruit de sa collaboration avec le compositeur et producteur français (projet nouvelle vague) Marc Collin. La manifestation se poursuit jusqu'au 20 juin 2012 et annonce de belles découvertes. Reste à élargir la sphère du public et lui faire parvenir cette musique alternative...