Le mois sacré apporte chaque année, à Kairouan, une note particulière dans la vie quotidienne. Ce n'est pas un mois comme les autres puisqu'il bouleverse nos habitudes et nous fait oublier pendant trente jours les problèmes qui secouent notre planète. Toutes les senteurs et tous les parfums prennent une proportion démesurée, surtout au moment de l'iftar annoncé par les coups de canon et les prières d'El Moghreb... un indicible bonheur au sein de toutes les familles. A partir de 21h00, les fidèles se rendent dans les différentes mosquées pour faire la prière des trawihs ayant une valeur particulière en ce mois de méditation et assistent en toute liberté, aux différentes causeries religieuses, sans aucune peur d'être désignés comme intégristes. Et c'est surtout la Mosquée Okba considérée comme le plus ancien et le plus prestigieux sanctuaire dans l'Occident musulman, qui accueille tous les soirs le plus grand nombre de fidèles. En outre, depuis que ce lieu de culte est relié au système numérique, on peut suivre sur le Net, en direct, les prières, les prêches, les psalmodies du Coran et même les cérémonies de signature de contrats de mariage. Et à l'approche de l'imsak, «boutbila», appelé également tabbel, réveille les habitants au son de la tabla (instrument à percussion) afin qu'ils prennent leur collation du shour avant la prière d'El Fejr. En effet, cette coutume ancestrale est appréciée par les Kairouanais car elle perpétue une tradition d'ambiance festive. Ya Flen, Koum t'ssahar..., disait boutbila dans les années 50-60. «Le roulement et le battement de la tabla font partie intégrante de notre patrimoine...», nous confie Mme Najet Jrad, une retraitée des P.T.T. En fait, les tabellas sont des bénévoles à qui les citoyens offrent des pâtisseries à la mi-Ramadan, et la nuit du Destin ainsi que la veille de l'Aïd. Et durant les 2 premiers jours de l'Aïd El Fitr, ils font le tour des quartiers afin de recevoir de petites sommes d'argent. Dans certains foyers, on les invite à interpréter des airs de chansons populaires qui mettent en valeur le patrimoine chanté et le trésor du registre populaire pendant les fêtes locales, une occasion pour danser et chanter. Et si de nos jours, la plupart des quartiers ont leur propre boutbila, certains autres n'en ont pas, au grand regret des citoyens.