C'est la plus vieille Maison de la culture de la Capitale. Les hommes qui se sont succédé à sa tête ont su lui asseoir la renommée prestigieuse qu'elle connaît aujourd'hui. Puissent les successeurs, actuels et futurs, préserver cet acquis et l'enrichir davantage! Sans être unanimes, les avis, assez hésitants et prudents, penchent néanmoins, dans leur majorité, vers l'année 1889 pour la désigner comme étant celle de la création de cette bâtisse qui fait l'angle de l'avenue de Paris et de la rue Mokhtar-Attia. Nous étions donc en plein début de la période coloniale (1881-1956), et les autorités françaises en avaient fait le Palais des Associations. Sportives, artistiques, culturelles ou autres, ces associations avaient insufflé à l'espace une dynamique certaine, d'autant mieux que l'édifice avait la réputation d'organiser souvent des conférences sur des thèmes très divers. Changement de cap C'est en 1962 que le dernier noyau associatif évacuera les lieux. Le secrétariat d'Etat à la Culture de l'époque héritera de l'espace (mais non du bail qui restera à ce jour propriété de la Mairie de Tunis) et y créera la toute première Maison de la culture tunisienne, baptisée Ibn-Rachiq. L'honneur d'en assurer la direction va échoir à Ridha Bennani (pas pour longtemps), mais surtout à... Khaled Tlatli, illustre animateur et homme de culture. Ce sont les pionniers. Les 4e et 7e arts n'étaient pas les principales vocations de l'espace. Celui-ci était toutefois doté d'un petit théâtre, presque de poche, qui permettait tout de même quelques projections, voire de petites représentations théâtrales. C'est Mohamed Raja Farhat qui, plus tard, décidera d'opérer des modifications, dont la principale touchera à la scène, devenue alors adaptée au théâtre. Bien que relevant du secrétariat d'Etat à la Culture, la Maison Ibn-Rachiq émargera pour longtemps sur des budgets (Titres I et II) alloués à la municipalité de Tunis. Ne peut par conséquent être directeur de l'espace qu'un homme conjointement ‘‘mandaté'' par le secrétariat d'Etat et la Mairie, alors que le reste du personnel est désigné indifféremment par celui-là ou celle-ci. Né sans domicile propre, le Théâtre National Tunisien va, en 1983, jeter son dévolu sur la Maison Ibn Rachiq qui présente le double avantage d'avoir pignon sur rue et, surtout, de se prévaloir d'une importante scène de théâtre. Il y élira domicile (sauf pour l'administration) jusqu'à 1987, date à partir de laquelle l'espace recouvrera sa vocation de Maison de la culture. A sa chance d'être l'aînée des Maisons de la capitale, va s'ajouter, à l'espace, celle de se voir dirigée par de grands noms de la culture tunisienne. Après les pionniers cités plus haut, il y aura (mais dans le désordre, ici) Ezzedine Madani, Mohamed Raja Farhat, le très regretté Samir Ayadi, Mohamed Gharbi, Mohamed Masmouli, Moncef Souissi (à qui on souhaite prompt rétablissement), Abderrahim Yangui et Hamadi Mezzi qui, lui, dirigera l'espace sur deux périodes, de 1993 à 1997, puis de 2009 à 2011. Aujourd'hui, c'est M. Chokri L'taief qui préside à sa destinée. Cette maison, qui a connu plusieurs réfections au cours de sa longue vie —souhaitons qu'elle se prolonge encore—, a connu beaucoup de moments de gloire et vu défiler sur sa scène de grands noms du monde de la culture et des arts, outre les représentations théâtrales, les récitals, les concerts, les expositions et autres manifestations qu'elle ne cesse d'abriter. Citons, parmi les noms, Ali Riahi, Mahmoud Darwich, Samih Al Kacem, Sghaïer Ouled Ahmed, etc. Pour ce qui est des événements, contentons-nous d'un seul, parce que vraiment historique. Le théâtre municipal en réfection, c'est elle qui a eu le privilège d'accueillir l'ouverture et la clôture —ainsi que diverses autres représentations— des premières Journées théâtrales de Carthage (1983). Or, après la révolution du 14 janvier 2011, la Municipalité de Tunis s'est comme désengagée un petit peu en louant pour 20 ans l'espace au ministère de la Culture. Vingt ans!... Autant dire que la culture est décidément chevillée aux murs de la Maison et que plus rien ne l'y délogera. Oui,... mais à charge pour l'actuel et les futurs directeurs de veiller à ce que tout le prestige bâti au béton armé par leurs prédécesseurs n'aille pas un jour à vau-l'eau.