De notre envoyée spéciale Samira DAMI Décidément la crise qui frappe actuellement le monde est omniprésente, reflétée aussi bien par les films de la sélection officielle que ceux des sections parallèles de cette 63e édition de Cannes. Ainsi en est-il de Wall Street, L'argent ne dort jamais signé Oliver Stone et programmé hors compétition. Cet opus est en fait une suite, réalisé 22 ans après Wall Street, toujours avec le même acteur Michael Douglas qui retrouve le personnage de Gordon Gekko, lui ayant valu l'oscar du meilleur acteur en 1987. C'est donc à la jungle de la haute finance de New-York que s'attaque le réalisateur de Platoon. Rappelons-nous dans le premier épisode de Wall Street du mémorable discours de Gordon Gekko, un personnage cynique, vorace et avide d'argent, où il déclamait haut et fort que «la voracité est utile, l'avidité est bonne et la faim un moteur». «Or, ce même discours “l'avidité c'est bien” a été abondamment cité dans les médias à propos de l'actuelle crise financière», a affirmé Oliver Stone lors de la conférence de presse qui a suivi la projection du film. D'où l'idée de la suite où l'on voit, en 2001, Gekko sortir de prison après avoir purgé sa peine. Brisé, n'ayant plus rien du gourou de Wall Street d'autrefois et tout le monde lui ayant tourné le dos même sa fille avec laquelle il veut coûte que coûte renouer. En 2008, c'est Jake Moora (Shia Labeouf) qu'on découvre dans la peau d'un jeune trader brillant, doué et dynamique qui va être confronté aux affres de la crise du système financier. Jake est aussi le fiancé de Winnie, la fille de Gekko, qui a écrit un livre où il livre sa vision du monde de la finance et du marché plus claire, plus mûre après des années de réflexion en prison. Déterminé à reconstruire les liens avec sa fille, Gekko utilisera Jake, lequel cherche ses conseils, pour contrer un banquier sans pitié… Si Wall Street, dans son premier épisode, se décline tel un conte moral, dans le second, Stone démonte le mécanisme financier de Wall Street, tout en montrant que les requins de la finance des années 80, incarnés par Gekko, ont été supplantés par les banquiers d'affaires qui, parce qu'ils travaillent et agissent — l'avènement de la mondialisation oblige — à l'échelle planétaire, gagnent des milliards de dollars. Riches et arrogants, ils sont dépeints comme des prédateurs insatiables qui ont mené et mèneront encore le monde à sa perte, si rien ne vient les contrecarrer. Jamais manichéen, le film ne généralise pas, ne met pas tous les financiers et banquiers d'affaires dans le même sac : Jake, qui incarne ces jeunes experts en technologie gagnant des millions de dollars avant leurs trente ans, a un mentor, Louis Zabel, honnête et attaché à son protégé. Car l'important dans le nouveau Wall Street, c'est que les événements et la crise qui a frappé il y a deux ans Wall Street sont filmés de manière précise, voire méticuleuse. Entre la grande histoire, soit la crise financière en Amérique et dans le monde, et la petite histoire, la vie intime des personnages, leurs relations et conflits, s'égrène le dernier-né de Stone, conférant à l'ensemble une dimension réaliste et humaine. Le film est, du reste, terrifiant quand on voit ce qui s'est passé dans les années 2000 à la Bourse de New York. Passionnant, dénonciateur d'une avidité aujourd'hui légale, et du pouvoir de l'argent, il est merveilleusement interprété aussi bien par Michael Douglas, que le reste des acteurs, dont Josh Brolin dans le rôle de Bretton James, le vorace banquier d'affaires, et Carrey Mulligan (Winnie), Frank Langella (Louis Zabel). Réalisé d'après le scénario coécrit par Allan Loeb et Stephen Schiff, le film, produit par un producteur indépendant, Eric Kopeloff, a nécessité à l'évidence de grands moyens entre costumes et décors notamment. Ce deuxième épisode où est reflétée l'évolution du système économique américain, notamment «wall-streetien», miné par les traders, tire, à l'instar du premier, une morale : rien ne vaut les valeurs sociales et les liens familiaux. L'humanité c'est ce qui reste quand on a tout perdu. La force et la qualité de «W.S. L'argent ne dort jamais» annoncent, en tout cas, son succès. Sera-t-il plus retentissant que celui d'il y a 22 ans. Tout porte à le croire. Toujours en rapport avec l'histoire, Hors-la-loi de Rachid Bouchareb, sélectionné en compétition officielle, a «déchaîné», on le sait, les passions sur Internet. «Le collectif Vérité-histoire Cannes 2010» récemment constitué ayant appelé à «pourrir» par des manifestations le festival. Mais jusqu'à présent, rien à signaler. Une tempête dans un verre d'eau‑? On verra bien le jour de la projection de ce film en compétition sous la bannière algérienne, prévue le vendredi 21 mai.