Tenir son public en haleine près d'une heure trente n'est pas donné. Jacques Weber a relevé ce défi mercredi et jeudi dernier «Seul en scène», au Théâtre municipal de Tunis. C'est un bain de nostalgie des bons vieux textes des belles lettres françaises qu'il nous a proposé. C'est aussi un bain de jouvence dans lequel il a revivifié ces textes en nous rafraîchissant la mémoire. Pour ceux qui ne les connaissaient pas, c'est une révélation. Il n'est jamais trop tard pour découvrir les trésors d'une expression qui continue de surprendre, d'ébranler, d'émouvoir et de vous saisir à la gorge tant les mots sont justes, vrais, incisifs… Avec une présence évoquant une multitude de personnages, Jacques Weber s'est escrimé tout à tour à intriguer, à émouvoir, et aussi, à faire pleurer de rire… Ressusciter tout à la fois Molière, Corneille, Rimbaud, Godard sur fond de Weber, c'est une aventure à peine imaginable par ces temps des one-man-shows aux «textes» (s'agit-il vraiment de textes ?) glanés un peu partout dans la platitude d'un simulacre du vécu. Au kitch, il oppose une approche de l'itinéraire humain puisant dans les épreuves les plus universelles : l'amour, la vieillesse, l'art, l'amitié. Ce qu'il y a de plus attachant dans ce spectacle, un monologue lourd de sens, de savoir-faire, de punch, c'est cette extraordinaire capacité de J. Weber de déconstruire le message d'un texte pour le reformuler dans une mouture théâtrale dont il tient le secret. Transparaissent alors les divers talents de l'artiste : ceux de l'acteur, du scénariste et du metteur en scène. Autant d'atouts qui font de son spectacle un plaisir dans le jeu, une véritable performance. Et pour le spectateur, la délectation d'un voyage dans l'œuvre humaniste et si fraîche encore des grands maîtres de la littérature et du théâtre français.