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Mémoires d'un artiste voyageur
L'entretien du lundi : Mustapha Chérif (homme de théâtre)
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 09 - 2012

Une fois tous les deux ans, il revient en Tunisie passer des vacances de rêve, profitant de ces bons côtés du pays que nous voyons rarement, parce que pris dans la tourmente d'un quotidien oppressant et stressant. Il fait des visites-surprises à ses vieux amis, s'enquiert de leurs nouvelles en titillant leurs souvenirs de l'époque où ils étaient plus jeunes et pleins d'illusions.
Cet été 2012, Mustapha Chérif –c'est lui notre invité de ce lundi — a prolongé ses vacances. Il avait besoin de plus de repos et, surtout, de réaliser à quel point son pays a changé. Malgré tous les troubles, il est heureux d'écouter tous ces jeunes s'exprimer librement. Bien sûr que pour cet homme de théâtre, vivant depuis 42 ans en France, la révolution du 14 janvier 2011 a un sens. Ses amis du domaine et lui-même en ont rêvé. Au début des années 1980 et après avoir décroché leurs diplômes au pays des lumières et de la liberté, ils ont choisi de rentrer en Tunisie pour faire la révolution, en s'exprimant par le beau. Unis pour un même objectif, ils ont fini par se séparer à cause d'une réalité plus complexe que le rêve. Alors que les autres ont choisi de rester et de poursuivre leurs pas sur les chemins glissants, Mustapha Chérif a préféré repartir en France. Il avait encore besoin de se réaliser. Aujourd'hui, c'est un homme heureux qui prépare sereinement sa retraite et son retour définitif en Tunisie. Dans ses bagages, il aura un très long CV de comédien et de metteur en scène et un press-book où il est également révélé en tant que peintre spécialiste des portraits.
Voilà le sien en questions - réponses.
Après toutes ces années, considérez-vous que vous avez atteint la rive ?
Vous me faites penser à Philippe Lejeune, cet homme si généreux qui m'a appris les techniques du dessin et de la peinture... Citant à son tour Edgar Degas, l'un des plus illustres peintres impressionnistes français, il dit qu'on n'arrive jamais à la rive. «C'est le voyage qui compte, et pour les artistes, c'est un pèlerinage»....
Comment est-ce que votre voyage, à vous, a commencé ?
Il a commencé par la musique. J'ai appris à jouer du piano au conservatoire. C'est à l'Ecole Normale que j'ai fait mes premiers pas au théâtre. Un jour, notre professeur de français nous a demandé chacun d'apprendre une réplique de l'Avare, la pièce de Molière. Ma manière de réciter le monologue d'Harpagon a provoqué un silence dans la salle de classe... Mes camarades étaient impressionnés. Mon prof m'apprit alors que j'avais un talent de comédien et m'a invité à monter la pièce. C'est ainsi que j'ai joué pour la première fois devant un public d'élèves, de parents et d'enseignants, un Harpagon tout en couleurs que j'ai habillé moi-même à la fripe... Et comme j'étais un élève turbulent, le proviseur a compris que le théâtre pouvait canaliser mon énergie. Il m'a offert une salle où je pouvais répéter un texte que j'ai moi-même écrit, où il s'agit des états d'humeur d'un ivrogne...
Si nous avons bien compris, vous étiez à l'Ecole Normale pour devenir instituteur, et c'est l'Avare de Molière qui a changé votre destin ?
Je ne voulais pas devenir instituteur. C'est ma famille qui voulait faire de moi « un bon Sfaxien ». La pièce de Molière a été l'événement déclencheur d'une vie autre que celle qu'on voulait choisir pour moi.
Que s'est-il passé, par la suite, dans votre vie de jeune comédien ?
Feu Youssef Rekik, à l'époque directeur de la troupe de Sfax, m'a sollicité pour rejoindre ses comédiens. 6 mois après, il apprend l'ouverture du CAD (Centre d'art dramatique) à Tunis et me conseille de m'inscrire au concours d'entrée. Je m'en souviens encore comme si c'était hier. Les deux « Fadhel », Jaïbi et Jaziri, qui faisaient partie du corps enseignant, étaient, bien entendu, dans le jury. Le premier m'a tout de suite accepté, alors que le deuxième était réticent à cause de mon incompétence en matière théorique. Grâce à Jaïbi, j'ai quand même fini par intégrer le CAD et être l'un des deux premiers de la promotion.
Qui était l'autre lauréat ?
Ezzeddine Ganoun, le metteur en scène et l'actuel directeur du Théâtre El Hamra, qui allait devenir, plus tard, un compagnon de route pour un bon bout de temps.
Qu'avez-vous fait après vos deux années d'études au CAD ?
Je tiens à vous dire qu'avant d'obtenir mon diplôme du Centre, Jaïbi et Mohamed Driss m'ont envoyé en France pour un stage à l'Ecole internationale Jaques Lecoq où les comédiens apprennent à faire des créations basées sur le jeu physique. A la fin du cursus CAD, ils m'ont également débrouillé une bourse pour un deuxième stage chez Roger Planchon, à l'époque directeur du TNP (Théâtre national populaire). Je suis très reconnaissant envers ces deux personnalités du théâtre tunisien. Je n'oublierai jamais qu'ils m'ont ouvert les portes de la vraie vie que j'avais envie de mener. J'étais très jeune et je m'étais tout de suite trouvé en train d'apprendre le métier en côtoyant les plus grands : De Lecoq — mime, acteur et instructeur français — à Planchon — directeur de théâtre, metteur en scène, dramaturge, cinéaste, acteur français — l'un des plus grands représentants du TNP et artisan fervent de la décentralisation théâtrale — et de Peter Brook — l'un des metteurs en scène britanniques les plus brillants et les plus respectés pour sa contribution au théâtre, et pour ses productions remarquées par leurs aspects iconoclastes et par leur envergure internationale — à Michel Bouquet, acteur, image emblématique du monde du spectacle en France et qui a marqué les planches des théâtres et les plateaux de tournage par son talent multidisciplinaire.
A part votre diplôme du CAD, en avez-vous eu d'autres ?
En même temps que le stage au TNP, j'ai été étudiant à l'école Jaques Lecoq. Un cursus de deux ans, cette fois, qui s'est terminé par un diplôme. Puis j'ai passé un concours à l'Université de Censier pour une licence de théâtre.
Nous croyons savoir que la création du Théâtre Organique est venue suite à un projet auquel vous avez collaboré ?
Ezzeddine Ganoun, Fathi Akkari et Majid Jellouli, mes amis et camarades du CAD, sont venus à Paris finir leurs études. C'est ainsi que nous avons décidé de créer La traite (Essafka) que j'ai coécrit avec Lassad Houassine, un autre ami à nous tunisien qui fait du théâtre en France. Nous avons fait une grande tournée avec la pièce en même temps que nos études à Censier.
D'où vient le nom du théâtre « Organique » ?
C'était une idée de Akkari qui a été inspiré par Edgar Morin, philosophe, sociologue, anthropologue et spécialiste des idées générales.
Nous nous souvenons de la représentation de La traite à Tunis. Nous étions impressionnés par votre jeu très physique. Devez-vous cela uniquement à Lecoq ?
J'ai oublié de vous dire qu'en France, j'ai fait également une formation à l'Académie Fratellini, centre d'art et de formation aux arts du cirque. Vu que j'étais petit de taille et super musclé, la directrice a tenu à ce que je fasse le porteur et l'acrobate. J'ai eu aussi la chance de faire un stage avec Carolyn Carlson, chorégraphe de danse contemporaine ainsi que poétesse américaine.
Il ne vous manquait qu'une formation à l'Actor's Studio, la célèbre école américaine. Y avez-vous pensé ?
J'avoue que non. Mais j'ai encore eu la chance de faire un stage avec Andreas Voutsinas, acteur, metteur en scène, professeur d'art dramatique grec, élève puis collaborateur de Lee Strasberg à l'Actor's Studio, coach de Marylin Monroe et de Jane Fonda. Le plus drôle, c'est que j'ai fait toutes ces belles rencontres sans rien demander. Fratellini, la directrice de l'Académie des arts du cirque, m'a repéré chez Lecoq. Brook m'a repéré chez Fratellini et c'est chez Brook que j'ai dansé avec Carlson et rencontré Voutsinas.
Estimez-vous que vous soyez né sous une bonne étoile ?
Absolument. J'ai eu beaucoup de chance dans ma vie.
Comment avez-vous atterri en tant que professeur au CAD, devenu «Ifaac», Institut de formation d'acteurs et d'animateurs culturels ?
C'est le ministère des Affaires culturelles qui nous a sollicités, mes amis et moi, après le départ du premier corps enseignant du CAD. Les Jaziri, Jaïbi, Driss et compagnie sont partis créer leur « Nouveau Théâtre », la première troupe tunisienne de théâtre privée. A l'Ifaac, nous avons formé deux promotions, après quoi on nous a licenciés.
Pourquoi, en fait ?
Le ministère n'aimait pas notre façon d'intervenir sur la pensée culturelle en Tunisie. Il nous a licenciés à sa manière en nous transférant dans d'autres postes culturels. Personnellement, j'ai été nommé directeur adjoint de la Maison de la culture Ibn-Rachiq. J'y ai formé un groupe d'amateurs de théâtre qui a été pris en charge par l'ambassade de France... Et, pour ne pas chômer en tant que comédien, j'ai eu l'idée de produire un spectacle intitulé Essbouï. C'était en 1982. Cette pièce n'a jamais vu le jour, car elle a été tout de suite censurée par ce qu'on appelait la commission de sélection. En 1983, j'ai conçu l'éclairage de Arak, une pièce du Théâtre Phou, mise en scène par feu Rached Manaï, qui a fait l'ouverture du festival international de Hammamet. Le lendemain de la représentation, j'ai pris mes cliques et mes claques et je suis retourné en France.
Comment expliquez-vous ce retour en France ? Manque de bol, pour une fois ?
J'avais besoin de rejoindre ma petite famille. C'est à cette époque-là que j'ai intégré le Cirque Fratellini. Mais je devais trouver du travail et un salaire pour aider ma femme à l'éducation de notre premier enfant. Coup de chance encore une fois ! J'ai vite fait de trouver un boulot sur mesure, à l'Itep (l'Institut thérapeutique éducatif et pédagogique Brunehaut), qui accueille des enfants souffrant de troubles du caractère et du comportement. On m'a engagé en tant qu'animateur et formateur. Je devais produire une pièce de théâtre par an. La première création était une adaptation de Le seigneur des anneaux, un roman de trois volumes de JRR Tolkien. Nous en avons réalisé une superproduction qui a obtenu le deuxième prix au Festival des jeux de théâtre de Sarlat, une commune du sud-ouest de la France. Contents, les responsables de l'Institut m'ont encouragé à assurer des formations en matière de vidéo, par exemple, pour former à mon tour les élèves du Château de Brunehaut. En plus du théâtre, j'ai commencé à produire un court métrage par an. L'un de nos films a, d'ailleurs, obtenu le premier prix au Festival d'Ivry, une manifestation qui accueille une multitude d'activités, expositions et autres performances artistiques.
Combien de temps avez-vous passé dans cette institution ?
32 ans. Pendant toute cette période, je suivais en parallèle une formation tous les deux ans, payée par le directeur de l'Institut. C'est ainsi que j'ai appris les techniques de base de la sculpture, de la peinture, de la photographie, de l'art de la vitraille et de la manipulation de marionnettes.
Comment est-ce que la peinture est-elle devenue votre activité principale ?
Je me suis inscrit dans un atelier célèbre pour avoir formé de grands peintres contemporains, dirigé par le Professeur Philippe Le Jeune. Ce dernier, que je considère aujourd'hui comme mon maître, m'a énormément aidé à développer un talent qu'il a perçu au premier coup de pinceau. Parallèlement à mes cours chez Le jeune, j'ai créé une association dont l'objectif était la formation et la production théâtrales. En quatre ans j'ai réalisé quatre créations subventionnées par la région. J'ai dû, par la suite, abandonner ce projet à cause des changements politiques en France. La droite avait pris le pouvoir et nos relations avec la région avaient inévitablement changé.
Nous croyons savoir que vous avez également abandonné le théâtre, et d'une manière définitive. Est-ce vrai ?
C'est vrai. Après 20 ans de formation au dessin et à la peinture, j'ai choisi de me consacrer à ma nouvelle passion. Actuellement, dans le cadre d'une autre association, appelée «intersection », qui permet aux chômeurs d'avoir des activités culturelles et artistiques, je donne des cours de peinture. En contrepartie, les dirigeants de cette association m'offrent les cimaises de leur galerie pour exposer mes tableaux.
Réussissez-vous à vendre ?
Je peux dire qu'actuellement, je vis de la vente de mes tableaux. Je dois beaucoup à cette association qui m'a aussi appris le vrai sens du bénévolat.
Si vous deviez faire le bilan de votre vie passée au théâtre, que diriez-vous ?
Je dirais que je ne regrette rien. Le théâtre m'a permis d' « être ». Je l'ai vécu, librement, totalement, sans chaînes, ni tabous... Sur scène, je n'ai jamais menti. Je n'ai jamais fait semblant. Je crois à l'identification au personnage. La distanciation m'est utile dans l'écriture et dans la fabrication du spectacle.
Que représente pour vous la peinture ?
Elle est pour moi une manière de voir l'autre. Lorsque je peins un portrait, j'oublie le visage pour en capter le caractère, la façon d'être, le regard, les traits et la couleur... La peinture m'a permis de découvrir la force de la nature. Elle m'a appris à voir et à sentir le monde autrement... En tenant mon pinceau, je ressens un bonheur inimaginable, le bonheur du voyage à la découverte de soi...
Que cherchez-vous en voyageant d'un art à l'autre?
Je cherche à me renouveler. J'ai tout le temps besoin d'être autre chose et autrement. D'ailleurs, j'ai passé ma vie à voyager d'un pays à l'autre, d'une école à une autre, d'une plage à une autre et d'une femme à une autre... (rires)
Comment trouvez-vous le secteur théâtral en Tunisie, après toutes ces années d'éloignement?
Bien pire qu'avant. Rien n'a changé depuis les années 1980 et même après la révolution. Toujours pas de structure et d'infrastructure... Avant au moins, il y avait, chez les professionnels, cet enthousiasme et cet esprit de solidarité... Aujourd'hui, je les sens divisés, non confiants les uns envers les autres, vivant chacun pour soi... J'ai comme l'impression que la plupart se sont installés dans leur confort et dans leurs certitudes...
Vous arrive-t-il de regretter d'être parti en France?
Jamais ! Serais-je resté en Tunisie que je serais devenu un simple comédien qui met toute son énergie à la recherche d'un rôle, ou un metteur en scène qui passe sa vie à chercher de l'argent pour monter une pièce de théâtre. Alors qu'en France, un spectacle en ramène un autre. D'ailleurs, je profite de cet entretien pour exprimer, encore une fois, ma gratitude à Fadhel Jaïbi, à Mohamed Driss et à Ezzeddine Ganoun qui m'ont encouragé à partir.
Et que pensez-vous de ce qui se passe actuellement dans le pays ?
A mon humble avis, ce qui se passe était tout à fait prévisible. Pour que le pays change comme nous l'avions toujours souhaité, il faudra, bien entendu, continuer à travailler, à être vigilants et à faire preuve de patience. Car tout est à faire. Ceci étant dit, je pense que l'acquis principal de la révolution du 14 janvier est cette liberté d'expression que je sens réelle. Les Tunisiens ont pu enfin dire « Non ! » en famille, c'est-à-dire dans leur environnement le plus restreint, ainsi que dans la rue. Je suis heureux de voir tous ces jeunes, enfin, libres et libérés! Mais s'il y a un domaine dans lequel on doit mettre toute son énergie, c'est bien la formation. Il ne faut surtout pas oublier que le point fort des dictatures, c'est la culture de l'ignorance.
Etes-vous réellement optimiste quant à l'avenir du pays ?
Je le suis. C'est pour cela que je projette de revenir. J'ai même acheté un pied-à-terre à Sfax, ma ville natale. Mais je garderai toujours des liens avec la France, ma terre adoptive. Sans argent, sans bagage intellectuel, elle m'a accueilli et respecté. Je lui dois tout ce que j'ai appris.


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