La chaire Unesco de philosophie pour le monde arabe et l'université de Kassel organisent, du 8 au 10 octobre, une rencontre internationale ayant pour thème : «La démocratie, le pluralisme et les droits de l'Homme». C'est à la Bibliothèque nationale que se réunissent, pendant trois jours, une vingtaine de chercheurs venus d'Allemagne, de Tunisie, du Maroc et d'Egypte. Lundi, deux thèmes ont été traités. Tout d'abord, «Le droit, Etats et démocratie» en première séance, puis, en deuxième séance, «Démocratie et pluralisme». Pour une théorie du droit et de l'Etat à dimension humaine, de Hans Sandkuler : Dans sa communication, Hans Sandkuler, directeur de la section allemande «Droits de l'Homme et cultures» de la chaire Unesco de philosophie, plaide pour une généralisation du droit international, autrement dit, pour une constitution internationale (constitutionnalisme universel) qui s'appliquerait à toutes les nations du monde. S'appuyant sur les travaux du philosophe contemporain, Jurgan Habermas, qu'il cite à plusieurs reprises, il explique que «la communauté internationale doit au moins pouvoir demander à ses membres une conduite légale sous peine de sanctions. Le droit universel doit être institutionnalisé de telle sorte qu'il transcende des sujets collectifs du droit international (les Etats) et intervienne sur les questions qui touchent aux sujets juridiques individuels». Cette idée de constitution internationale pose clairement la problématique du droit de non-ingérence. L'intervenant relativise cette notion en citant Koffi Annan (ex-secrétaire général des Nations unies) qui déclarait que la souveraineté était «la souveraineté des peuples plutôt que celle des souverains». Hans Sandkuler précise toutefois qu'il ne s'agit pas d'un complément à la charte de l'ONU mais d'une forme juridique nouvelle qui devrait prendre en considération la dimension pluraliste respectant les spécificités des pays. Multiculturalisme d'un point de vue postcolonial : l'exemple tunisien de Soumaya Mestiri La réflexion de Soumaya Mestiri, enseignante de philosophie à l'Université de Tunis, part d'une question, celle de savoir comment gérer la diversité au sein de notre pays pour un meilleur vivre-ensemble. Elle critique pour commencer la tentation simpliste de caser les diversités dans ce qu'elle a appelé «des œillères épistémologiques» qui, par exemple, confondent tribalisme et communautarisme. La solidarité et la loyauté envers des groupes sont souvent perçues comme des «valeurs» qui rejettent l'autre et mettent en péril l'unité de la nation. La solution selon elle, serait d'abord d'en finir avec l'idée de «nation tunisienne» qui est «en réalité la juxtaposition d'une myriade de micro-récits qui représentent autant de manières de lire (voire d'écrire) le pays. Malheureusement, nos élites considèrent souvent qu'il y a une communauté vraie, toutes les autres étant inauthentiques, alors que les communautés se distinguent non par leur fausseté ou leur authenticité mais par le style dans lequel elles sont imaginées». Ensuite, la jeune philosophe préconise la «décolonisation de l'esprit», à savoir se séparer de la rhétorique de la modernité importée de l'Occident, à l'image du procéduralisme libéral habermassien (défendu dans la matinée par Hans Sandkuler). L'intervenante résume son exposé en expliquant que «penser le culturel sous l'angle de la spécificité porte à faire de l'appartenance culturelle un argument identitaire créant un repli suspect. Mais considérer le pluriel des cultures sous l'angle de l'écart les fait paraître comme autant de possibles ouverts, inventifs, dont on peut exploiter la fécondité. Ces cultures se perçoivent comme autant de ressources entre lesquelles nous pouvons librement circuler pour nous réinterroger». Aujourd'hui, cette rencontre internationale traitera le thème du «Processus démocratique et culture de droit», ainsi que le thème du «Citoyen, individu et collectivité».