Par Jawhar CHATTY Vendredi, dans le sud de la France, le candidat à la présidence du premier parti français d'opposition a lancé : «Il est des quartiers où je peux comprendre l'exaspération de certains de nos compatriotes, pères ou mères de famille rentrant du travail le soir, apprenant que leur fils s'est fait arracher son pain au chocolat par des voyous qui lui expliquent qu'on ne mange pas pendant le Ramadan». Le même jour à La Valette, tenue du Sommet 5+5. Encore un rendez-vous que la Méditérranée rate avec l'Histoire ? Une fatalité ? Pouvait-il du reste en être autrement ? Comment en effet envisager un quelconque dialogue entre deux rives toutes les deux en proie à de graves crises, cependant de nature differente? A la stabilité précaire de la rive sud où tout de même deux pays sont encore en phase de gestation postrévolution —où il n'est rien dit de ce qu'ils vont accoucher— fait aujourd'hui face à une tout aussi stabilité précaire d'une rive nord confrontée qu'elle est à une crise d'identité et de devenir. Une crise générée par le risque de l'effondrement du symbole même de son unité (l'euro) et par l'exaspération de la menace «islamiste». Dans ces conditions, il ne pouvait tout naturellement rester que l'immigration pour sujet de discussion à La Valette. Et s'agissant de «discussions», il faudrait bien convenir qu'elles étaient à sens unique ! Croyant porter l'auréole de la magnifique «Révolution des Jasmins», notre président provisoire avait beau à cet égard , dans un pathétique élan humaniste et révolutionnaire, réclamer un dialogue «d'égal à égal». C'était oublier que les pays du Nord ont depuis longtemps fait et été de toutes les révolutions (politiques, institutitionnelles, sociales, économiques, industrielles et post-industrielles). Que plus rien ne les impressionne; pas même nos promesses de «démocratie» et que depuis et surtout ces mêmes révolutions ont cultivé chez elles le sens du réalisme poussé parfois jusqu'au cynisme ! Pour les pays européens, la première cause de tous leurs malheurs d'aujourd'hui, c'est l'immigration. Le chômage, la cherté de la vie, la délinquance, la violence urbaine, le racket dans les écoles, le subvertissement de la société par l'exaspération en son sein d'un islamisme radical «importé», tout ça c'est la faute à l'immigration et pas seulement clandestine ! Ce genre de discours gagne aujourd'hui du terrain en Europe et trouve des voix pour le porter même parmi les plus modérés de la classe politique européenne ( droite et gauche confondues). Ce que jadis des partis européens d'extrême droite «disaient tout haut ce que les autres pensent tout bas» au sujet des Maghrébins et de la politique de l'immigration n'est déormais plus une exclusivité pour personne ! Et c'est là sans doute que réside le danger . Non point pour les pays européens eux-mêmes, mais bien davantage pour nous, pays «exportateurs» volontaires et involontaires de notre principale richesse, le capital humain ! Pour que ce capital ne se gaspille ni en mer et n'échoue sur les rives de Lampedusa, ni ne risque, une fois arrivée légalement à «bon port», d'être au pire récupéré par des frères non vaillants et au mieux ( ?) et à la longue ereinté et lynché par les autochtones... Il est à ce titre désolant que, au-délà de certaines déclarations de circonstance, notre classe politique demeure à ce point silencieuse au sujet d'une question qui dépasse notre simple rapport à l'émigration. Ce dont il s'agit , c'est de se prononcer sur les perspectives d'avenir que la Tunisie entend offrir à ses jeunes ...en Tunisie.