Deux Français, Gérard Caussé et Michel Dalberto; le premier est un altiste virtuose de renommée internationale, l'un des rares musiciens à avoir rendu à l'alto sa magie d'instrument soliste, affirme-t-on dans les savants milieux de la musique. Le second est un pianiste de talent reconnu pour la critique comme étant l'un des tout meilleurs interprètes de Schubert et de Chopin. L'Octobre musical, au grand plaisir de son public, les a réunis sur la scène de l'Acropolium de Carthage, mercredi dernier, et la rencontre des deux, comme attendu, fut saisissante... C'est Gérard Caussé qui ouvre le bal avec sa propre transcription pour l'alto de la 1ère Suite pour violoncelle solo de Bach. L'alto, notons-le, est un instrument à cordes frottées, semblable au violon mais plus volumineux et plus grave (d'une quinte). Son usage le plus fréquent est d'être accompagnement de tous genres et c'est là que réside l'originalité de Caussé qui l'aborde en instrument solo à part entière, faisant, ainsi, découvrir les variations sonores de cet instrument pénétrant et corsé. Berlioz avait 26 ans quand il a écrit son œuvre «Harold en Italie», nous dit Caussé avant d'entamer avec Dalberto la transcription de cette symphonie pour alto et piano réalisée par Franz Liszt. Berlioz n'ayant jamais écrit pour le piano, précise encore Dalberto, le compositeur, transcripteur et pianiste virtuose hongrois Liszt avait transcrit des œuvres du français pour le piano. Cette envie de partager la musique avec le public est d'autant plus confirmée par cet élan didactique des deux musiciens sur scène, qu'elle rapproche au maximum les œuvres jouées, les situe par rapport à leurs contextes d'origine et par rapport à leurs auteurs et fait qu'elles nous atteignent pleinement. Le jeu exceptionnel des deux musiciens, qui paraît «aller de soi», est d'une aisance saisissante. Il ne tarde nullement à nous transporter et à effacer, chez l'auditoire, la notion du temps. On ne se rend plus compte des minutes qui passent, tant elles sont vite comblées par les rythmes du piano et de l'alto, tantôt joués ensemble, tantôt en solo. Ce fut le cas de l'excellent solo de piano présenté par Dalberto qui s'est attaqué à du Debussy pour nous jouer son «clair de lune». Et l'on n'a pas vraiment été déçus, lorsque ce dernier, spécialiste de Chopin, décide de nous offrir du Ravel à la place, et ce, à travers son triptyque pour piano «Gaspard de la nuit « composé en 1908, d'après trois poèmes extraits du recueil éponyme d'Aloysius Bertrand, un poète français, né en 1807 et considéré comme l'inventeur du poème en prose. Aussi Dalberto nous a-t-il offert deux poèmes dont le scarbo qu'il a considéré plus approprié et se prêtant davantage à l'ambiance de la soirée. Et lorsqu'on apprend par la suite que «Gaspard de la nuit» est une des œuvres emblématiques de Ravel à la difficulté extrême, l'on ne peut que tirer notre révérence au pianiste. La dernière partie de la soirée a été dédiée à Schubert avec son recueil posthume «chant des cygnes», admirablement joué par les deux musiciens et à Beethoven avec sa Sonate pour violoncelle et piano (n°3 opus 69 en La) dont Gérard Caussé a réalisé la transcription pour alto et piano. Bravo pour tant de talent et merci pour toute cette générosité.