Par Moncef GUEN* Le Comité norvégien du Prix Nobel de la Paix a attribué ce prix en 2012 à l'Union européenne (UE). Cet honneur reconnaît la contribution de ce qui fut, après la Seconde guerre (le 23 juillet 1952), le premier jalon de cette Union, la Communauté économique du charbon et de l'acier (Ceca) lancée pour amarrer les industries productrices des machines de guerre sur la cause de la paix entre les peuples allemand et français. La proposition de sa création a été faite par Robert Schuman dans son discours du 9 mai 1950 à la rédaction duquel Jean Monnet, le père de l'Europe, a contribué et consacré depuis comme la journée de l'Europe. Elle se base sur le Traité de Paris du 18 avril 1951, signé par six pays européens : l'Allemagne, la France, l'Italie et les trois pays du Benelux. Six ans après, le 25 mars 1957, les six pays créaient la Communauté Economique Européenne (CEE) qui deviendra plus tard l'Union européenne comprenant 27 pays européens. L'UE s'étend sur plus de 4,4 millions de km2, compte plus de 502 millions d'habitants et constitue la première puissance économique mondiale, avec un produit intérieur brut de 15,2 mille milliards de dollars. Voici l'œuvre récompensée par le Prix Nobel. Commencée à petits pas, mais barrant la route d'une manière irréversible au nationalisme outrancier et aux guerres qui avaient inutilement ensanglanté tout un continent. Faisons le parallèle avec le Maghreb. Déjà en 1927, une commission fut fondée au Caire pour la libération du Maghreb. En 1945, une conférence des mouvements nationaux nord-africains s'est tenue au Caire et a crée le Bureau du Maghreb. En 1958, soit quatre ans avant la libération de l'Algérie, les partis nationalistes se réunissent à Tanger pour préparer une future union entre les pays d'Afrique du nord. Le 17 février 1989, une Union du Maghreb Arabe (UMA) a été créée à Marrakech. Malheureusement, depuis 1994, les chefs d'Etat des cinq pays (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie) ne se sont plus réunis, vouant à l'échec le plus total la construction maghrébine. Le conflit du Sahara (opposant l'Algérie et le Maroc) est à l'origine de cet échec qui coûte cher à nos économies. Le non-Maghreb est un désastre économique. Il freine les échanges commerciaux et d'investissement entre les pays membres qui sont, à plusieurs points de vue, complémentaires. Il freine les investissements extérieurs visant un ensemble économique d'une centaine de millions d'habitants. Il freine, par exemple, la création d'investissements européens et occidentaux pour développer des sources d'énergie solaire bénéfique pour le Maghreb et l'Europe. Il freine la diversification des économies de ces pays, reposant en Algérie et en Libye, sur les hydrocarbures et au Maroc et en Tunisie sur l'agriculture. Il freine le développement de relations mutuelles de coopération entre l'ensemble maghrébin d'une part, l'UE et les communautés économiques africaines de l'Ouest, du Centre et du Sud de l'Afrique d'autre part. C'est une perte totale en termes d'échanges commerciaux, d'emploi, surtout d'emploi des jeunes diplômés, et de croissance économique. Jusqu'à quand une telle absurdité va-t-elle durer ? Il est à espérer qu'un jour des hommes d'Etat du Maghreb feront le Maghreb et mériteront un Prix Nobel de la Paix. Espérons que nos dirigeants actuels ne ferment pas la porte devant ces futurs hommes d'Etat. *(Président de l'Association du Grand Maghreb)