Webmanagercenter : Quels nature de rapport lient l'administration à la classe politique ? Jean Ferdinand Nothomb : La société civile, les associations et les citoyens ont plus de liberté de parole mais également les fonctionnaires qui connaissent les problèmes, ensemble ils peuvent formuler des idées pour l'avenir qui rend service aux gouvernements en les précédant, en lançant des idées qui ne sont pas tout de suite opérationnelles. C'est l'expérience que nous avons en Europe et dans le mouvement européen. Nous pouvons pousser les gouvernements à coopérer alors qu'ils ont de bonnes raisons immédiates de ne pas engager de coopération. La société civile et les fonctionnaires, citoyens au service de l'Etat dans leurs fonctions, peuvent exprimer leurs opinions dans des associations et les féconder dans des groupes plus informels et ainsi peuvent faire progresser la société politique. Ainsi l'Administration et la classe politique se mettent en attelage pragmatique ? J.F.N : Il arrive parfois que les gouvernements soient ralentis dans leur action par l'opinion publique ou certains groupes de pression. En pareille situation il peut s'adosser à ses engagements internationaux et dire à son opinion « écoutez je suis d'accord avec d'autres gouvernements et c'est dans cette voie qu'on peut aller. Ce n'est pas moi tout seul, mais les autres aussi ». On peut dire ce n'est pas notre gouvernement qui a des idées folles. On agit si d'autres gouvernements agissent dans le même sens. C'est quand même un bon argument pour dire que c'est raisonnable. Vous surestimez l'apport du « mouvement européen »? J.F.N : Trois ans après la 2 ème guerre mondiale, où on s'est fait beaucoup de mal, des hommes se sont réunis dans le « mouvement européen » en disant mais si on construisait l'union européenne au lieu de recommencer à se battre dans vingt ans. Ils ont quand même eu une bonne idée et c'est une magnifique réussite et nous avons développé ça pendant quarante ans. J'espère que les suivants vont continuer. Dans le même temps vous sous-estimez le sous-jacent économique et notamment la communauté européenne du Charbon et de l'Acier ( CECA) ? J.F.N : Il faut bien se dire que la CECA est un outil économique qui visait à mettre la production européenne d'acier sous un contrôle collectif afin de ne plus produire de canons. C'est après tout l'acier qui a été le ferment de la destruction de l'Europe. Hélas l'Europe a connu des échecs pour la communauté européenne de défense. Là-dessus on a tenté le coup avec le marché commun et c'est au nom du marché commun qu'on a poursuivi le processus d'unification. Au fur et à mesure que l'on progressait on a coordonné nos politiques. Cependant l'intégration économique et monétaire n'a pas stimulé l'une union politique car il y a encore des politiques étrangères différentes. Pourquoi ne pas évoquer l'apport des patronats et des syndicats dans le processus de l'unification européenne ? J.F.N : Les milieux d'affaires y étaient favorables, je dois dire, sauf les industriels français qui avaient peur de la concurrence de l'industrie allemande. Les français voulaient aller vers l'atome, à l'instar du charbon et de l'acier, pensant que ça allait être le grand sujet de l'avenir avec la filière thermo nucléaire. On a fait l'un et l'autre. Le marché commun a réussi et les entreprises en ont profité avec des perspectives de croissance supérieures. Comment dynamiser et rééquilibrer la coopération entre les administrations du nord et du sud de la méditerranée? J.F.N : Je comprends très bien l'état d'esprit de l'administration du sud d'un pays de moyenne importance comme la Tunisie qui se trouve devant un mastodonte européen ce à quoi nous répondons mais activez l'union du Maghreb arabe, présentez vous ensemble devant nous et vous serez plus fort pour négocier. Mais inversement il ne faut pas oublier que le mastodonte européen tel qu'on peut le voir est le résultat de longues négociations entre 27 états. Lire aussi : - L'administration publique et l'espace euro-méditerranéen : Appel à manifestation d'intérêt