Le décès du précurseur de l'imprimerie en Tunisie, Elia Finzi (1923-2012), à un âge relativement avancé et qui survient quelques jours après celui de Mahmoud Chemmam, un grand monsieur qui a consacré sa vie à promouvoir la tolérance par le biais d'un Islam débarrassé des scories et des relents de l'ignorance, vient nous rappeler, non sans amertume, que même les grands esprits ne sont pas éternels et que tout ce qui vit doit, un jour ou l'autre, disparaître. L'histoire de l'imprimerie se confond également avec celle des livres, des journaux et revues en Tunisie sur plus d'un siècle. Les Finzi ont fait tous types de travaux administratifs, scientifiques, culturels, politiques, et ce, dans toutes les langues, puisqu'ils ont travaillé avec les caractères arabes, latins, hébraïques et même cyrilliques. Depuis l'époque de Giulio Finzi, l'arrière-grand-père, les ouvriers étaient recrutés parmi les composantes ethniques et religieuses du pays. Maltais, Italiens, Tunisiens musulmans et juifs travaillaient dans un esprit de fraternité, chacun apprenait de l'autre sans aucune forme de discrimination. L'imprimerie Finzi a formé des générations d'imprimeurs tunisiens et même de grands imprimeurs de la place sont passés par là. L'indépendance s'inscrivait dans une sorte de continuité puisque l'imprimerie a déjà redémarré depuis 1949, mais de nouveaux projets virent le jour dans ce nouveau contexte et dont le principal fut le lancement du journal des Italiens de Tunisie : «Il Corriere di Tunisi». Ce journal fêtera bientôt son soixantième anniversaire. Aujourd'hui, la Tunisie dispose dans le domaine de l'imprimerie de structure de haut niveau technique, capable de soutenir avec succès la rivalité avec l'Europe. L'entreprise travaille pour le marché européen (Suisse, Italie, France). Même avec l'ouverture des frontières économiques et douanières avec l'Europe, le secteur de l'imprimerie restera compétitif et nous pourrons tenir le coup devant la concurrence rude qui va s'installer. L'expérience personnelle d'Elia Finzi lui a appris la plus précieuse des qualités : la modestie. Son père lui a inculqué le métier en commençant à balayer le parterre et nettoyer les machines, ensuite à composer et à imprimer jusqu'à la maîtrise entière du métier, ce qui l'a promu à la direction de l'entreprise. L'amour de son travail est le secret du succès et la clé du bonheur. Le métier qu'il exerce avec passion exige énormément de sacrifices. Fort heureusement a pris la relève, avec une imprimerie beaucoup plus moderne, sa fille, Silvia Finzi, professeur de civilisation à la section d'italien à la faculté de La Manouba, contribue à la rédaction et à la confection d'«Il Corriere di Tunisi». Elia Finzi estime, quand il publie un beau livre ou quand il édite un journal, qu'il contribue par cet acte à renforcer l'édifice et la convivialité tuniso-italienne, de telle sorte que la fraternité devienne la devise des gens.