Chahrazed Hellal nous remet un projet de CD comportant deux titres : Narou zadet (création personnelle si l'on ne s'abuse) et Jad ezzaman bil hob (Ali Ouertani-Guelmami), ainsi qu'un court résumé de son activité pour les mois à venir, dont un album (bénéficiant de l'aide à la production de la tutelle) et deux programmes destinés aux festivals d'été (Nassmat, et Belhob atitek) qui attendent l'accord des directions destinataires. Narou zadet et Jad ezzaman ne sont pas des nouveautés. Elles avaient fait, croyons-nous, partie d'un récital donné la saison dernière dans le cadre du festival de la Médina. Nous en avions touché un mot. A savoir que la première (qui sortira en single), composée dans le genre «terroir» (texte simple et rythme dominant) cherche davantage à copier une mode qu'à faire valoir le potentiel d'une chanteuse. Au contraire de Jad ezzaman, chanson charqi (Zankoula)toute en conformité avec l'esprit et les techniques d'une voix naturellement agréable à l'écoute et, à la fois, savamment interprète. La faute à tout le monde! A être franc, nous aurions préféré qu'une artiste de la carrure de Chahrazed Hellal, chanteuse parmi les meilleurs de la génération de 90-2000, enseignant à l'ISM, bénéficie d'une promotion autrement plus consistante et plus appropriée plutôt que de recourir à ces sortes de «requêtes de main à main». Pour être tout à fait juste, la responsabilité en incombe à tout le monde : gens de la profession et gens des médias. Chahrazed Hellal exerce à de hauts niveaux voilà maintenant près de huit ans. Son passage à «Majaless ettarab» reste dans les esprits (quel brio dans le dawr !) et ses prestations (hélas rares) dans les concerts culturels annonçaient clairement la venue d'une cantatrice affirmée. Malgré cela, peu d'entre nous lui ont octroyé l'attention qu'elle mérite. La place musicale tunisienne ne fait décidément pas exception à ce qui se passe dans la sphère de la chanson arabe. Il y'a une telle bousculade, un tel nombre d'intrus, une telle confusion des valeurs que tout y devient possible : même d'exclure le meilleur et de célébrer le pire. Un petit conseil quand même: que Chahrazed Hellal ne se précipite pas trop sur «La COM», et ne cherche pas (comme elle semble vouloir le faire) à imiter l'exemple des «artistes de marché». Sa stature, à elle, est bien supérieure. Quant à son talent, il l'autorise, à notre avis, à faire preuve d'un peu plus de pondération et de patience. Elle n'est pas la seule, parmi nos bons artistes, à souffrir du manque d'audience et de reconnaissance. Mais il est ici question d'art : inutile de courir derrière une place éphémère, lorsque l'essentiel, ce qui se consigne, dure et perdure, c'est de laisser une empreinte et de marquer son parcours d'un nom.