Un théâtre archicomble, une troupe de musiciens professionnels, des chanteurs de charme, des chansons de tarab, tels étaient les ingrédients qui ont fait la grande réussite de la soirée du jeudi dernier (19 août) à la bonbonnière. Il s'agissait bien des «Chouyoukh Salatine Ettarab», la troupe venue d'Alep (Syrie) pour enchanter les mélomanes tunisiens férus de la chanson classique par leur «mouwachah», «dawr» et «qoudoud halabiya». Il est vrai que plusieurs troupes du même genre se sont produites auparavant en Tunisie, mais celle-ci semble la meilleure d'après les témoignages que nous avons recueillis à la fin du concert. Par sa composition, son répertoire, ses performances et le talent de ses chanteurs. Cette troupe, créée en 2000, a déjà visité tous les pays arabes et un bon nombre de pays européens et asiatiques. Elle vise à sauvegarder le patrimoine musical arabe à un temps où la mondialisation menace les spécificités culturelles des peuples et, par là même, assouvir l'oreille du mélomane arabe très assoiffé de chansons authentiques, celles qui ne meurent jamais et qui résistent encore et toujours contre la vague des chansons sandwich dont la vie ne peut être qu'éphémère. La culture arabe est riche en musique comme en poésie et recèle de sources inépuisables qu'il faut bien sauvegarder. Tels sont donc les objectifs de cette troupe dont les membres suivent les traces de leurs prédécesseurs qui passent pour les maîtres du tarab et qui ont réussi à faire valoir les chansons classiques depuis plusieurs années, comme Nadim Derwiche, Abdelkader Hajjar, Mohamed Khairi, Sabri Medallal et enfin et non le moins le grand Sabah Fakhri. Ce soir-là, les «Chouyoukh Salatine Ettarab», vêtus en «imbez» (sorte d'habit traditionnel syrien) ont fait vibrer les cœurs des amateurs du tarab durant plus de deux heures. La troupe, composée de 12 membres, entre instrumentistes et chanteurs, a exécuté d'abord des compositions musicales : une suite de «mouwachahats» dont «Ya Zairi Fi El dhoha», «Arjiï Ya Elfa Leïla», «Ya Leilou Assabbou» et «Y amen Hawa». Trois chanteurs de la troupe se sont relayés sur la scène pour interpréter d'autres chansons classiques puisées dans le patrimoine musical oriental ; il s'agit de Ameur Khaïri, Abboud Hallak et de Houssèm Libnani. Ils ont mis beaucoup d'ambiance et de gaîté parmi la foule des gens qui a bien applaudi ces trois jeunes chanteurs aux talents multiples : ils ont chanté, fait des «mawal» et dansé durant toute la première partie de la soirée avant de céder les lieux à Ahmed Azrak, la star syrienne de la chanson classique qui fut le clou du spectacle. Pendant une heure environ, l'artiste a chanté les meilleures chansons du tarab et des qoudoud d'Alep. Il débuta par «Foug Ennakhal» et finit par la fameuse «kassid» de Sabah Fakhri «Khamratou Al hob» en passant par «Ya mali Acham» et «Ya Faten El Ghizlene». Chaque chanson fut précédée d'un «mawal» enivrant qui entraînait les auditeurs dans une sorte d'exaltation extrême. Il simulait parfois d'élégants mouvements de danse à la manière des gens d'Alep, ce qui enthousiasma davantage les assistants. Ahmed Azrak s'est surtout distingué ce soir-là par sa voix si forte, si claire qu'il s'est à plusieurs reprises passé du micro pour chanter à vive voix provoquant ainsi l'admiration du public qui lança à chaque fois une salve d'applaudissements en reconnaissance à ce grand chanteur aux capacités vocales exceptionnelles. Bref, ce fut une soirée inoubliable qui s'est passée à la satisfaction générale.